Le pouvoir hésite. Revoit ses calculs. Tempère ses désirs sujets à une grosse polémique. Le chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, si attaché au départ à l'idée d'une réinsertion politique du tandem Mezrag-Kébir, ne serait plus chaud, ou plutôt ne serait plus sûr de tenir son « engagement ». C'est ce qu'il a suggéré devant les investisseurs arabes en excluant implicitement la possibilité de la création d'un parti politique sous la férule de Kébir ou autre. Un langage nouveau de la bouche de Belkhadem qui a déroulé le tapis rouge à l'ex-exilé d'Allemagne à son retour en Algérie. Il a même passé de longues heures avec lui pour, peut-être, explorer la meilleure manière de l'intégrer dans les projections politiques du pouvoir. Le deal était tellement évident que Rabah Kébir ne s'est pas gêné d'enfreindre, au nez et à la barbe des autorités, les dispositions de la charte pour la paix et la réconciliation nationale qui lui ont permis de fouler le sol de son pays. Déclarations politiques par-ci, conférences de presse par-là, un crochet chez les émirs de Aïn Defla et des rencontres au sommet avec les leaders de la classe politique au pouvoir. Toute cette agitation largement relayée par les médias devait servir de répétition générale à un come-back politique en bonne et due forme. Djaballah, Soltani et Belkhadem et tous les chouyoukh de l'association des ouléma s'étaient employés à prêcher le bien-fondé de ce retour en grâce de Kébir face à une opinion publique groggy par un tel retour du refoulé. Le président de la République, lui, n'a pas jugé utile d'éclairer les Algériens sur ses intentions en tant que garant de la Constitution. Ces fervents supporters de Kébir ont donc pris leur bâton de pèlerin essayant à coups de déclarations de faire avaler la pilule néo-FIS. Pendant ce temps, Rabah Kébir, devenu une VIP, s'est attelé à faire dans la prospective politique en ne se privant pas d'émettre des avis sur l'architecture institutionnelle algérienne et au-delà sur sa conception du paysage politique à venir. C'est à partir de là que son retour à la politique a été subrepticement juxtaposé au projet de la révision de la Constitution. Ouyahia affirme, Belkhadem confirme… L'ex-exilé de Bonn a été d'ailleurs un soutien très intéressé au projet cher à Belkhadem, dont il a sans doute entrevu une (r)entrée de… secours. Kébir devait même être l'un des chevaux de bataille référendaire. Mais ce qui était valable il y a quelques mois, ne l'est plus forcément aujourd'hui. En prononçant vaguement et sur le tard la sentence de son prédécesseur Ouyahia, sur le sort politique de Kébir, Belkhadem ne fait qu'exprimer sa grande désillusion. Le fait que le chef du gouvernement déclare, malgré lui, que la porte est (re)fermée devant Kébir et consorts pour un éventuel néo-FIS, au moment où l'idée d'une révision constitutionnelle est également remise au placard est très significatif. C'est que le pouvoir a incontestablement reculé. Et pas forcément en raison d'une quelconque campagne hostile. Le grand écart constaté dans la conduite des projets politiques, entre l'intention et le fait, est symptomatique de quelque chose qui ne tournerait pas rond dans les cercles décisionnels. Quand on observe la façon avec laquelle Ouyahia - connu pour sa réserve - a adressé ses piques acerbes contre son successeur, il est difficile de ne pas y déceler une autre stratégie de pouvoir. En face, Abdelaziz Belkhadem, fort de l'appareil qu'il préside et du soutien de son « ami » Bouteflika, ne serait plus en odeur de sainteté. Les rumeurs récurrentes sur son remplacement dénotent au moins qu'il n'a pas l'étoffe d'un chef du gouvernement capable de prendre des décisions. Il est d'ailleurs loisible de relever qu'il est en train de confirmer les déclarations de… Ouyahia s'agissant du retour de Kébir et de la révision de la Constitution. En révélant récemment que le président ne tiendra pas compte de la mouture du FLN sur la révision constitutionnelle, l'ex-chef de gouvernement suggère que Belkhadem ne jouirait plus du soutien sans réserve du président. Ces avancées, à reculons au sommet de l'Etat, seraient peut-être annonciatrices de changements de cap. Comme d'habitude…