Le président iranien, Hassan Rohani, a été largement réélu pour quatre ans dès le premier tour avec 57% des voix, a annoncé hier le ministre de l'Intérieur, Abdolreza Rahmani Fazli. Son adversaire, le conservateur Ebrahim Raissi, proche du guide suprême l'ayatollah Ali Khamenei, a remporté 38,3% des suffrages. Il a précisé que 41,2 millions d'Iraniens sur les 56,4 millions inscrits ont participé à l'élection présidentielle qui s'est tenue vendredi. Soit un taux de participation de 73%. La victoire du Président modéré traduit le soutien de la majorité des Iraniens à sa politique d'ouverture, entamée par l'accord nucléaire conclu en juillet 2015 avec six grandes puissances, dont les Etats-Unis, et entré en vigueur en janvier 2016. L'annonce de sa réélection survient le jour de la visite du président américain, Donald Trump, en Arabie Saoudite, grande rivale de l'Iran au Moyen-Orient. Pendant la campagne, il a demandé aux Iraniens de lui accorder plus de voix afin de pouvoir poursuivre ses réformes sur le plan intérieur et sa politique d'ouverture. Néanmoins, le Président n'est pas le seul à prendre des décisions sur les questions sensibles. Elles doivent recevoir l'aval du guide suprême, du puissant pouvoir judiciaire contrôlé par les conservateurs et parfois des Gardiens de la révolution, l'armée d'élite. La Constitution donne l'essentiel du pouvoir au guide suprême, actuellement l'ayatollah Ali Khamenei. Le président de la République, élu pour quatre ans au suffrage universel, nomme le gouvernement, dont les membres doivent obtenir la confiance du Parlement. L'Assemblée des experts est chargée de nommer, superviser et éventuellement démettre le guide suprême. Les pouvoirs du Parlement sont limités par rapport à d'autres institutions, comme le Conseil des gardiens de la Constitution, en partie composé de religieux nommés par le guide suprême. Le Conseil de discernement est chargé de conseiller le guide suprême et de trancher les différends entre le Parlement et le Conseil des gardiens de la Constitution. Les Gardiens de la révolution constituent l'armée d'élite du pays Le guide suprême, l'ayatollah Khamenei, a salué la victoire «du peuple iranien et du régime de la République islamique malgré les complots de ses ennemis». Comme il a demandé à Rohani et à son futur gouvernement «d'avoir comme priorités les couches déshéritées, les zones rurales et pauvres, ainsi que la lutte contre la corruption». Premier mandat consacré à la négociation de l'accord nucléaire Le président Rohani a consacré la majeure partie de son premier mandat à la négociation de l'accord nucléaire, qui a entraîné une levée partielle des sanctions internationales frappant l'Iran depuis près de 10 ans. En échange, Téhéran s'engage à mener une politique nucléaire à des fins strictement civiles. Résultat : l'inflation a reculé de près de 40% en 2013 à environ 9,5% aujourd'hui. Cependant, les investissements espérés pour relancer l'économie du pays et faire baisser le chômage tardent jusque-là à venir. Le président Rohani tablait sur 50 milliards de dollars d'investissements étrangers par an, grâce à cet accord, afin d'atteindre une croissance de 8% permettant de résorber le chômage qui touche 12,5% de la population active. Il est loin du compte aujourd'hui. «Plus de 11 milliards d'investissements directs ont été enregistrés au niveau du ministère de l'Economie depuis janvier 2016, mais dans les faits, les investissements réalisés, c'est entre 1 à 2 milliards de dollars», a déclaré le 1er vice-président iranien, Es Hagh Jahanguiri. Il a également reconnu que les grandes banques européennes et asiatiques refusent toujours de coopérer avec l'Iran à cause du risque d'un retour des sanctions liées au nucléaire et «du climat de tension créé par Donald Trump». Les exportations pétrolières ont atteint près de 2,8 millions de barils par jour, y compris les condensats de gaz. Ce qui a permis d'atteindre, selon le dernier rapport du Fonds monétaire international (FMI), une croissance de 6,6% durant la dernière année perse (mars 2016-mars 2017). Mais les prix ont connu des chutes inquiétantes. Les prévisions de croissance du FMI pour 2017-2018 sont à la baisse, à 3,3%, un taux largement insuffisant pour faire baisser le chômage et relancer l'économie. L'élection aux Etats-Unis de Donald Trump, qui ne cesse de dénoncer l'accord nucléaire, complique la tâche pour attirer les sociétés étrangères et les grandes banques internationales qui craignent des représailles américaines et de nouvelles sanctions.
La boîte de Pandore Le 21 avril, le président américain a accusé l'Iran de ne pas respecter «l'esprit» de l'accord, notamment par sa politique au Moyen-Orient, où Téhéran est accusé d'attiser les conflits et de soutenir des organisations «terroristes». Son secrétaire d'Etat, Rex Tillerson, a informé le Congrès américain du lancement d'une étude qui devra déterminer si l'allégement des sanctions envers l'Iran, prévu par l'accord, correspond à l'intérêt national des Etats-Unis. Au-delà de l'accord nucléaire, Washington a maintenu d'autres sanctions visant le programme de missiles balistiques de Téhéran ainsi que son soutien à des mouvements armés au Moyen-Orient. Les grandes banques européennes, qui ont généralement des filiales sur le territoire américain, hésitent à établir des relations avec l'Iran, craignant des poursuites judiciaires et des amendes aux Etats-Unis. Aussi, Washington accuse l'Iran d'avoir fomenté ou soutenu des attentats contre des ressortissants américains. Le 20 avril 2016, la Cour suprême américaine a décidé de saisir 2 milliards de dollars des fonds iraniens gelés aux Etats-Unis. Cet argent est réclamé par les familles d'un millier de victimes américaines d'attentats commis ou parrainés par Téhéran, selon Washington . Entre autres, les proches de 241 soldats américains tués le 23 octobre 1983 dans deux attentats-suicide qui ont frappé les contingents américain et français de la Force multinationale de sécurité à Beyrouth et les victimes d'un attentat en 1996 contre les tours de Khobar en Arabie Saoudite, qui a tué 19 Américains. Cette décision a été qualifiée, le lendemain par le ministère des Affaires étrangères iranien, de «vol». Le 17 mai de la même année, le Parlement iranien a voté une loi obligeant le gouvernement à réclamer des dommages aux Etats-Unis pour les «actions hostiles et les crimes» commis contre l'Iran depuis 63 ans. «Le gouvernement a le devoir de prendre les mesures nécessaires pour compenser les dommages (matériels et moraux) causés par les Etats-Unis» à l'Iran ou «à ses ressortissants depuis 63 ans», est-il relevé dans le texte. Il y est cité «les dommages matériels ou moraux» causés par les Etats-Unis depuis le coup d'Etat contre le gouvernement nationaliste de Mohammad Mossadegh en 1953, dont ceux commis durant la guerre Iran-Irak (1980-1988), ceux provoqués par la destruction de plateformes pétrolières dans le Golfe ou encore l'espionnage mené par les Américains contre l'Iran.