C'est un niet catégorique et majoritaire. Le Mouvement de la société pour la paix (MSP), qui a tenu en haleine l'opinion pendant plus d'une semaine, a opposé un «non» clair à l'invitation du chef de l'Etat de rejoindre le futur gouvernement en cours de constitution. A l'issue de son Conseil consultatif (parlement du parti) tenu avant-hier, le MSP de Abderrezak Makri a tranché dans sa majorité écrasante en faveur de l'option de la non-participation au futur Exécutif. «Nous avons décidé à la majorité de ne pas participer au prochain gouvernement», a lancé le président du parti, M. Makri, hier lors de sa conférence de presse. Il inflige ainsi un camouflet au pouvoir. Après la défiance des électeurs, vient celle des partis politiques. Le gouvernement de Bouteflika, qui a cru trouver une parade en courtisant le MSP, avait tablé sur un double objectif : dynamiter définitivement la fragile coalition de l'opposition née de la plateforme de Mazafran, et apparaître sous de nouveaux habits aux couleurs d'ouverture politique. Le gouvernement d'«union nationale» vanté notamment par le FLN et le Premier ministre et dans lequel tous les courants politiques (nationalistes, islamistes, libéraux) seraient représentés est ainsi battu en brèche. Le MSP de Abderrazak Makri n'a pas cédé à la tentation. Il est vrai que des cercles au sein du pouvoir ont joué sur les «contradictions» de ce parti, mais surtout misé sur le poids «faible» d'un Bouguerra Soltani irrésistible au chant de sirènes du pouvoir. La démarche a échoué et le Premier ministre Abdelmalek Sellal qui était à la manœuvre pour tirer profit d'une «recomposition» politique a essuyé un revers. Au final, la séquence électorale du 4 mai n'aura réussi à créer aucune dynamique. Elle renforce le statu quo et enfonce le pays dans une périlleuse impasse politique qui se superpose à la crise économique avec ses implications sociales fâcheuses. Très affaibli électoralement et isolé politiquement, le pouvoir se trouve face à lui-même. Il est ainsi contraint de reconduire la même équipe au bilan économique désastreux. Visiblement, on ne change pas une équipe qui perd. «Le pouvoir a raté une opportunité de sortie de crise à l'occasion des élections législatives du 4 mai. Nous avons assuré que si les élections étaient honnêtes et que le peuple nous donne son mandat, nous étions prêts à participer à un gouvernement d'union nationale. Nous avons montré notre volonté pour faire des élections législatives une opportunité de changement, de transition politique et économique pour préserver le pays des risques qui le guettent. Malheureusement, les élections ont été entachées d'une fraude massive. Et pour rester cohérents avec nos engagements, nous avons décidé de rester et de lutter dans les rangs de l'opposition et de travailler avec d'autres acteurs politiques pour créer de nouvelles opportunités afin de parvenir à la transition démocratique négociée et inclusive», a soutenu Abderrazak Makri. Ce dernier a indiqué en marge de la conférence de presse que «le nouveau gouvernement sera considérablement fragilisé par la fraude, et il sera sans assise politique solide.» Il estime même que la nouvelle Assemblée nationale «ne va pas aller au terme de son mandat. L'abstention très élevée et la fraude massive font d'elle une institution aussi fragile que le gouvernement». Les autres enseignements que tire le chef de file des islamistes de la séquence électorale de 4 mai sont les rapport de force. «Le système est devant une crise multiple et le rapport de force politique et social ne sera pas favorable au pouvoir, mais plutôt en faveur de la société, d'où la responsabilité des partis politiques que nous sommes d'ouvrir des perspectives politiques fiables et d'être en mesure d'élaborer une alternative au système en place.» Abderrazak Makri s'active dormais à reprendre contact avec la Coordination pour les libertés et la transition démocratique (CLTD). La hideuse parenthèse législative fermée, la confrontation politique va reprendre de plus belle entre un pouvoir considérablement affaibli et une opposition qui aura fort à faire pour recoller les morceaux. Une longue bataille politique s'annonce sur fond de crise économique et sociale. Des acteurs politiques redoutent l'éruption des révoltes sociales, ce qui va sans nul doute compliquer la tâche pour les organisateurs de la succession à la présidence de la République dans moins de deux ans. Un contexte explosif dans lequel le chef du MSP entend jouer un rôle. «2019 sera une autre opportunité», lâche-t-il. L'homme se taille un costume de présidentiable. L'épreuve politique qu'il a remportée cette semaine le crédibilise aux yeux de sa base sociale. Il se veut la nouvelle figure de la mouvance islamiste. En mettant en minorité le groupe favorable à la réintégration du gouvernement mené par l'ancien président du parti, Bouguerra Soltani, il apparaît comme le chef incontestable. «Il y a une ligne claire et cohérente tracée depuis le dernier congrès et qui s'affirme à chaque étape politique». En rendant publiques les consultations avec le Premier ministre et l'offre faite à son parti d'intégrer le gouvernement, Abderrazak Makri a su habilement porter le débat sur la place publique et mettre en échec la tentative de Abdelmalek Sellal de ramener le MSP dans le giron du pouvoir. Hacen Ouali