L'auditorium du ministère de l'Energie et des Mines a abrité hier un débat transparent entre le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, et les représentants des compagnies pétrolières activant en Algérie. L'originalité de la rencontre résidait dans la présence des représentants de la presse nationale et internationale conviés pour l'occasion. Les derniers amendements introduits dans la loi sur les hydrocarbures ont fait couler beaucoup d'encre ces derniers temps, avec comme hypothèse le désintérêt des compagnies pétrolières internationales à l'avenir pour la destination Algérie. Des informations de départ d'Algérie d'une compagnie, en l'occurrence Anadarko, ont alimenté les médias nationaux et internationaux. L'initiative prise hier semble avoir porté ses fruits pour le ministère qui a établi un contact direct et public avec les compagnies pétrolières internationales. Dans son introduction, le ministre a rappelé l'apport des compagnies pétrolières pour l'Algérie. « Je dirai que c'est grâce à vous que nous avons cette santé financière, puisque 50% de la production pétrolière vient des contrats d'association signés dans les années 1990. » « Il faudrait que les citoyens le sachent aussi, je voulais reconnaître ceci. Mais les prix du baril de pétrole ne sont plus ceux qu'ils étaient au moment de la signature des contrats », a-t-il rappelé. « La taxe sur les superprofits n'est pas une injustice », a-t-il indiqué, ajoutant que « lorsque les contrats avaient été signés, le prix du baril de pétrole était de 15 dollars ». « Puisque les prix du baril ont été multipliés par 4, la taxe rétablit un équilibre entre les intérêts de l'Etat et les intérêts des compagnies pétrolières », a-t-il expliqué. Parmi les représentants de compagnies qui ont posé des questions sur les amendements, figurent ceux d'Anadarko et Shell. Le représentant d'Anadarko a posé la question de la pérennité des contrats signés selon la loi de 1986 et s'ils allaient être modifiés par des discussions. Le représentant de Shell a demandé à quel moment le taux de participation de Sonatrach sera décidé. Il doit être au minimum de 51%, selon les amendements. Mais le moment clé de la rencontre a été sans nul doute l'échange entre le ministre de l'Energie et des Mines et le représentant de la compagnie américaine Anadarko, Dick Holmes, vice-président des opérations internationales sur la nouvelle taxe sur les superprofits. Le représentant d'Anadarko a déclaré comprendre le nouveau système fiscal introduit par la loi avec lequel la compagnie travaille dans d'autres régions du monde avant d'estimer que la nouvelle taxe sur les profits exceptionnels qui touchera les contrats signés avant 2005 semble opérer un croisement entre les deux systèmes fiscaux qui affectent les contrats anciens. Aussi a-t-il demandé au ministre si des discussions auront lieu avec les compagnies pour modifier les contrats. La réponse du ministre a été didactique. Pour ce dernier, les bénéfices exceptionnels des compagnies mènent à des déséquilibres entre les intérêts de l'Etat et des compagnies. Quand les compagnies ont signé les contrats, le baril de pétrole était à 15 dollars, a-t-il ajouté. L'expérience internationale a prouvé que l'opinion pouvait considérer, comme en Bolivie par exemple, que l'affaire n'est plus juste et que nous pourrions avoir une situation où le contrat n'est pas stable et où les compagnies pourraient perdre plus qu'un impôt sur des bénéfices exceptionnels. Aussi, il est normal, pour maintenir la stabilité due aux considérations politiques, que le contrat rétablisse l'équilibre qui a été déterminé à l'heure de la signature du contrat, a expliqué le ministre. Le débat a été relancé par le représentant d'Anadarko qui a estimé que les coûts liés au développement et à la construction ont augmenté avant de demander si la taxe concerne les bénéfices ou le revenu. Le ministre a estimé que les investissements faits pour les projets anciens ont déjà été amortis par Anadarko. Concernant les futurs investissements, le système fiscal prend en compte le coût de l'investissement a-t-il ajouté. Pour la question posée par le représentant de Shell, le président de l'agence des hydrocarbures ANAFT, Sid Ali Betata, a indiqué que « le taux de participation de Sonatrach était décidé préalablement à l'appel d'offres. Il est bien défini dès le départ. La loi oblige Sonatrach à prendre un minimum de 51%. Libre à elle de descendre à 51%. » Concernant l'apport de la taxe pour le budget de l'Etat, le ministre a estimé qu'elle rapportera environ 500 millions à 600 millions de dollars cette année (applicable à partir du 1er août) et environ 1 milliard de dollars l'année prochaine. Au début de la rencontre, le ministre a annoncé la préparation en cours du prochain avis d'appel d'offres pour les blocs d'exploration pour le début de l'année. Les détails de l'application de la taxe sur les superprofits, qui varie de 5% à 50%, doivent être publiés prochainement selon le ministre. A ce sujet, les représentants des compagnies qui étaient questionnés par la presse se sont félicités de l'initiative de la rencontre, mais disent attendre la publication des détails de l'application de la taxe. A la fin, le ministre a encouragé les compagnies à susciter ce genre de rencontre, mais avec un ordre du jour précis et en liaison avec les attributions du ministère. A la fin de la rencontre, le représentant d'Anadarko-Algérie a démenti l'information sur le départ de la compagnie d'Algérie. Dick Holmes a répondu « non » à la question de savoir si Anadarko voulait quitter l'Algérie. Le représentant d'Anadarko a indiqué que le PDG de la compagnie avait démenti l'information vendredi dernier en Floride, en déclarant que l'Algérie représentait un atout pour Anadarko. M. Holmes a indiqué que la compagnie envisageait de participer encore dans les avis d'appels d'offres.