Il a clarifié hier pour les compagnies pétrolières les amendements introduits aux lois relatives aux hydrocarbures. Entre les “problèmes politiques” induits par les superprofits et la “décision souveraine” de l'Etat, le ministre de l'Energie aura surtout exprimé sa disponibilité au dialogue. Le ministère de l'Energie et les compagnies pétrolières activant en Algérie en partenariat avec Sonatrach ont échangé, hier, certains points de vue sur les amendements introduits aux lois 86-14 et 05-07 relatives aux hydrocarbures. Entre petits mots et grands sourires, chacun aura pris sur lui pour aplanir les difficultés et les tensions. Et ils étaient là. Tous les représentants des entreprises pétrolières activant en Algérie invités étaient présents, hier, à l'auditorium du ministère de l'Energie et des Mines. Certes, ils auront eu droit à une présentation générale, par Sid Ali Betata, président d'ALNAFT, du cadre réglementaire et des amendements introduits aux lois 86-14 et 05-07, et pas forcément, comme ils s'y attendaient tous, à leurs décrets d'application. Mais nul n'a décliné l'invitation de Chakib Khelil. Le contexte ne s'y prêtait pas et ils l'auront compris. Pour le ministre de l'Energie et des Mines, le secteur et l'Algérie ont connu de grands changements depuis 2000. L'année 2006 a été à tout point de vue, une cuvée record notamment en matière de découvertes puisque jusqu'à présent, 18 ont été enregistrées. “L'Algérie de 2006 n'a rien à voir du tout avec celle de 2000. Je voudrais reconnaître une chose qui est quand même importante. C'est également en partie grâce à vous, 50% de la production pétrolière proviennent des contrats de partage de production avec les compagnies étrangères. Je voulais reconnaître cela et nos citoyens doivent aussi le savoir”, dira en préambule le ministre comme pour fixer le cadre du débat. S'il est réducteur de résumer la rencontre à ces propos de Chakib Khelil, le ton était néanmoins donné et la messe était dite. Les superprofits créent un “problème politique” Le ministre de l'Energie a annoncé que le décret d'application imposant une taxe sur les profits exceptionnels des compagnies étrangères associées à Sonatrach a été signé. Il sera publié, selon Chakib Khelil, la semaine prochaine. Cette taxe est en vigueur depuis le 1er août dernier. Son taux variant entre 5% au minium et 50% au maximum est applicable lorsque la moyenne arithmétique mensuelle du baril de Brent dépasse 30 dollars. Chakib Khelil a également fait savoir que tous les décrets d'application de la loi 05-07 seront soumis au circuit gouvernemental incessamment. “Ils seront approuvés et publiés dès janvier 2007”, a indiqué le ministre. À l'égard des partenaires de Sonatrach, le ministre de l'Energie défendra une nouvelle fois l'introduction de la taxation des superprofits, l'amendement qui focalise le plus l'attention des compagnies pétrolières. “La taxe sur les profits exceptionnels n'est pas une injustice. C'est plutôt le rétablissement de la justice entre deux partenaires. Les prix du baril ont été multipliés par 4. Elle rétablit un équilibre entre l'Etat et les compagnies pétrolières”, dira Chakib Khelil. Interrogé par le vice-président d'Anadarko chargé des opérations internationales à ce sujet, il relèvera que cette nouvelle taxe vient répondre à “un déséquilibre entre les intérêts des compagnies et de l'Etat”. D'autant, ajoutera le ministre, que la majorité des contrats ont été établis à un moment où le prix du baril de pétrole n'excédait pas les 15 dollars. Si les contrats étaient “bien” négociés pour l'époque, la majorité n'incluait toutefois “aucune manière pour l'Etat ou Sonatrach de recouvrir une part équitable de l'excès de bénéfices”. C'est en s'appuyant sur l'expérience internationale en la matière que le ministre dévoilera l'origine de la taxation. “Quand vous avez des situations de cette sorte, et nous avons eu une expérience récente en Bolivie, où l'Etat et le peuple ont considéré que l'affaire n'est pas juste, ce qui signifie que le contrat n'est pas stable, alors nous pourrions avoir une situation où les compagnies pourraient perdre plus que juste un impôt sur des bénéfices exceptionnels. Ainsi, il est simplement normal, pour maintenir la stabilité due à des considérations politiques, pour que le contrat rétablisse l'équilibre qui a été déterminé à l'heure de sa signature”, expliquera Chakib Khelil. Le taux de rendement actuel des contrats signés par les compagnies étrangères dans les années 1990 et 2000 est nettement supérieur à celui qu'elles avaient prévues à l'époque. “Il crée un problème politique qui doit être résolu et il a dû être résolu par une part raisonnable des bénéfices, qui a rééquilibré les deux parties dans le contrat”, précisera le ministre de l'Energie. Une décision “juste” L'introduction de la taxe sur les profits exceptionnels des compagnies étrangères est, selon Chakib Khelil, une “décision souveraine de l'Etat” qui a été faite et appliquée par un amendement dans la loi. “Je pense qu'elle est juste”, estimera le ministre. Certaines compagnies ne payeront pas, selon lui, “beaucoup”, leurs arrangements contractuels incluant déjà “une formule” par laquelle un équilibre juste entre les deux parties a été assuré. “Certaines compagnies n'ont pas eu cela, ce qui signifie que tous les bénéfices supérieurs ont été gardés par les compagnies. Cela crée une situation politique où les gens se disent : Bien, regardons ce que l'Etat gagne à 60 $. Il était très bon à 15 $ mais à 60 $, il a la même chose. Qu'est-ce qui se passe ?”, dira-t-il précisant que c'est ce qui a induit des changements importants de par le monde. Notamment en Bolivie et au Venezuela. “Je pense qu'en introduisant cette taxe, nous maintenons juste l'équilibre entre les deux parties et nous assurons la continuité de l'excellent partenariat que nous avons”, précisera Chakib Khelil. Cette rencontre était organisée, relèvera-t-il, à l'initiative de son département et se voulait une opportunité pour répondre aux “questionnements” des compagnies présentes en Algérie au sujet de cette loi. “Nous sommes conscients que c'était le moment approprié. Le processus est en bonne voie. Nous n'avons reçu aucune correspondance de la part des compagnies étrangères concernant cette loi et encore moins une quelconque objection”, a indiqué le ministre ajoutant que son département était cependant disposé à répondre aux sollicitations des compagnies mais sur des questions relevant “exclusivement” de son ministère. “J'espère que ce ne sera pas la dernière rencontre. Les compagnies peuvent aussi prendre l'initiative. Je sais que les compagnies veulent régler des problèmes qui se posent à elles au niveau du ministère, mais il faut voir avec Sonatrach. Si vous voulez prendre un café, sourire et discuter vous êtes les bienvenus. Mais vous n'avez pas le temps et moi non plus. Beaucoup de personnes m'ont approché pour me dire : On aimerait vous voir. J'ai répondu : Pourquoi ? ça a été pris pour de l'arrogance…”, dira Chakib Khelil. Une manière diplomatique peut-être pour le ministre de l'Energie d'aplanir les tensions et d'exprimer aux responsables des majors pétrolières sa disponibilité. En d'autres mots, ce n'est pas un mur qu'ils ont face à eux. La “rencontre explication-débat portant sur les amendements relatifs aux lois sur les hydrocarbures” a eu le mérite de relancer le dialogue au sein d'un secteur caractérisé actuellement par des tensions palpables. Bien loin d'une rencontre technique, elle aura surtout permis de faire la part des choses entre des partenaires stratégiques. Tout n'a peut-être pas été dit. Tout n'a peut-être pas été clarifié, mais la rencontre a été pour un certain nombre de participants un “grand pas” en avant. Et ce, même si les responsables des compagnies pétrolières activant en Algérie sont repartis un peu sur leur faim. Ils devront attendre encore un peu pour connaître la suite des développements. Dick Holmes, le vice-président des opérations internationales, Anadarko “Anadarko ne quittera pas l'Algérie” Dick Holmes, le vice-président des opérations internationales de la compagnie pétrolière américaine Anadarko a nié, à l'instar de son P-DG, l'intention de l'entreprise de se désengager de ses activités d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures en Algérie. “Non, Anadarko ne quittera pas l'Algérie. Nous ne vendons pas nos actifs. Nous restons ici et nous escomptons un bon avenir en Algérie”, a répondu le vice-président d'Anadarko, interrogé à ce sujet. La compagnie entend même augmenter, selon lui, ses activités en participant au prochain appel d'offres. “Nous examinerons les blocs et si nous sommes intéressés nous ferons une offre,” a précisé Dick Holmes. Interrogé sur les intentions d'Anadarko d'investir plus en Algérie, Dick Holmes dira : “Oui, avec Sonatrach”. Il précisera citant son P-DG James Hackett, que Anadarko considère l'Algérie comme étant son “atout”. Le vice-président de la compagnie américaine se dira même “satisfait” de la rencontre même s'il ne connaît pas encore les détails des taxations introduites. Gerry Peerboom, P-DG de BP Algérie “C'est très utile” Gerry Peerboom, P-DG de BP Algérie déclarera être “très satisfait” de la rencontre. “C'est très utile d'avoir de telles réunions”. Ce type de rencontre permet, pour lui, “un rapprochement entre le ministère et les compagnies pétrolières”. “C'est bien, et il faut encourager plusieurs rencontres similaires”, dira le P-DG de BP Algérie. Il estimera également que la loi est “très bonne pour l'Algérie et le secteur pétrolier”, même si Gerry Peerboom se refusera néanmoins le moindre commentaire sur les amendements introduits. “Il est très difficile de se prononcer avant d'avoir les textes d'application. Nous ne les avons pas, nous attendrons”, précisera le P-DG de BP Algérie. Michael Blaha, P-DG Algérie de Shell “J'apprécie beaucoup l'initiative du ministre” Le P-DG Algérie de Shell a estimé pour sa part avoir eu des “réponses très claires à ses questions”. Si l'initiative est louable, voire “très bonne”, il y a “toujours”, pour Michael Blaha des interrogations. Notamment concernant les nouvelles taxes. “Elles ne sont pas tellement bien définies. Nous attendons, je ne peux pas commenter ça”. Interrogé sur les intentions de la compagnie, le country chairman de Shell mettra en avant des perspectives d'avenir. “Nous sommes en train de rester ici et de chercher de nouvelles opportunités en Algérie”, dira-t-il. Shell a d'ailleurs été remercié par le ministre de l'Energie quant à sa politique de ne pas débaucher et de ne pas recruter les cadres de la compagnie nationale. “Sonatrach n'a pas suffisamment de personnel… Je veux saisir cette occasion pour remercier Shell qui a décidé de ne pas recruter les employés de Sonatrach, mais plutôt de recruter et former de jeunes diplômés d'université. Cette décision allégera la pression”, déclarera à ce sujet Chakib Khelil, appelant les autres compagnies à suivre cet exemple. Samar Smati