Abdelhak Bererhi a été l'hôte, mercredi dernier, du palais de la culture Moufdi Zakaria de Kouba, Alger, à l'occasion de la présentation et de la vente-dédicace du premier tome de son dernier livre Itinéraires, de l'université à la politique, publié par les éditions Necib. Docteur en médecine, professeur en histologie embryonnaire, chercheur et ancien ministre de l'Enseignement supérieur, Abdelhak Bererhi a fait un magistral exposé du premier tome de son volumineux ouvrage, mais ô combien intéressant. Ce premier tome sera suivi d'ici quelques jours d'un deuxième, qui évoquera le combat démocratique. Avec la finesse et la franchise qu'on lui reconnaît, l'universitaire a expliqué le pourquoi de ce livre et dans quelles conditions, il a été écrit. Il précise qu'il a commencé à écrire, non pas ses Mémoires, car les Mémoires c'est quelque chose de figé, mais ses itinéraires qui lui semblent mieux adaptés, dans la mesure où c'est une dynamique et une série de témoignages que l'ont fait tout au long du parcours que l'on suit. Ces itinéraires se situent à différentes périodes, depuis l'enfance jusqu'à la diplomatie. Pour le conférencier, son ouvrage est à la fois un témoignage et un devoir de mémoire. «Je pense, avertit-il, que tous ceux qui ont eu une responsabilité ou une activité, dans n'importe quel secteur, n'ont pas le droit de ne pas rapporter les luttes internes qui ont eu lieu et doivent témoigner de certains faits, car cela peut servir en toute modestie et sans aucune prétention». Abdelhak Bererhi avoue qu'il a écrit son livre dans des conditions tout à fait particulières. En effet, il l'a écrit parce qu'il est tombé malade. «J'avais en chantier dans la tête un essai sur l'université, sur le Sénat et un autre sur le combat démocratique. Je me suis dit que j'avais le temps. On se dit toujours qu'on a le temps. Je suis tombé malade, je ne le cache pas. J'ai appris les 10 et 13 mai 2013 que j'avais un adénocarcinome, un cancer parmi les plus redoutables. Je suis encore sous traitement. Ce jour-là, j'ai décidé de me mettre à écrire. Je pense que c'est scandaleux de se taire et ne pas apporter un témoignage. C'est un devoir envers la société et envers tous ceux qui m'ont aidé, avec tous ceux avec qui j'ai travaillé, dont la communauté universitaire, les militants démocrates, les travailleurs et la presse». L'ouvrage en question se répartit en sept titres. La première partie revient sur les repères du parcours. Des repères importants, dans la mesure où ils ont forgé sa personnalité et sa façon d'être. Son premier référent a été son fabuleux paternel. C'était un imam des temps modernes, à Khenchela, qui lui a inculqué la notion de modestie, l'humilité, la tolérance, l'importance du dialogue, la nécessité de savoir écouter et d'écouter l'autre. Son second référent a été son professeur de philosophie, M. Corraze, qui lui apprit à réfléchir et à penser. Il est même à l'origine de sa vocation médicale. Son troisième référent est son maître d'université, le professeur Saïd Slimane-Taleb, lequel lui a fait aimer l'enseignement et l'a aidé dans ses premiers pas dans la recherche scientifique. Son quatrième référent est le regretté Mohamed Seddik Benyahia, ancien ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, avec qui il a commencé à réfléchir sur la réforme de l'enseignement supérieur. Son cinquième référent était Mohamed Salah Yahiaoui, coordonnateur du parti FLN, du temps du président Houari Boumediène, a été à l'origine, véritablement, de son incursion dans l'univers politique. Plus tard, d'autres hommes marquèrent son cheminement politique, à l'image, entre autres, du président Houari Boumediène, pour sa rigueur et ses capacités d'analyse et le président Chadli Bendjedid, un homme, selon lui, généreux et très proche des préoccupations du peuple. Revenant sur son enfance et sur sa jeunesse révolue à jamais, il confie que ses vacances rimaient avec lecture, musique et sport. «J'avais la chance d'avoir comme ami le fils d'un médecin, il me prêtait son vieux Teppaz (tourne-disque, ndlr) pour écouter la musique classique. C'est là que j'ai découvert Mozart et que j'ai même appris une pièce, Le diable et le bon Dieu, de Jean Paul Sartre». A l'ère de la pré-indépendance, il est le premier Arabe reçu à l'examen de sixième. «Les jeudis, on cotisait et on achetait des ouvrages qui ne faisaient pas partie des programmes, mais qui nous permettaient de lire, d'apprendre et d'évoluer. On cotisait, aussi, pour aller chez l'unique libraire pour lire une revue, Candide, et Le miroir du sport», se rappelle-t-il avec un large sourire. L'orateur se souvient qu'il avait opté avec deux de ses amis pour rejoindre le maquis à Auguste Comte. Leur contact les avait dissuadés de suivre cette voie qui mènerait vers la mort mais leur avait, plutôt, conseillé d'étudier, car le pays avait besoin de cadres. Abdelhak Bererhi indique que juste après l'Indépendance, il y avait une quinzaine de médecins algériens, 2800 étudiants et 80 enseignants français. Il rejoint difficilement, à l'âge de 22 ans, l'hôpital d'El Kettar en tant qu'externe des hôpitaux, alors qu'il est en troisième année de médecine. L'ex-recteur évoque la période où l'OAS avait sévi. Il étaie ses propos en évoquant le jour où il a échappé à un attentat, alors qu'il sortait de l'université. Il a été suivi par un individu. Il doit son salut à un bus qui démarrait de l'arrêt de la Grande-Poste. Abdelhak Bererhi reconnaît qu'il a toujours été ingérable et libre de ses convictions. Au fur et à mesure qu'il avançait dans sa carrière, il apprenait. En guise de conclusion, l'éminent professeur Abdelhak Bererhi soutient que l'université et la recherche sont la source du progrès et le miroir de toute société. C'est parce que l'ouvrage Itinéraires, de l'université à la politique, riche de 7000 pages foisonne d'informations croustillantes qu'il est conseillé de le lire, et ce, afin de suivre toutes les étapes importantes de la vie de ce brillant universitaire.