Le mouvement de contestation populaire ne cesse de prendre de l'ampleur dans cette région marginalisée et pauvre. Plusieurs autres villes, comme Boujniba, Khouribga et Safi, suivent le pas et appellent également à des rassemblements en vue de réclamer des droits socioéconomiques, dénoncer le chômage et le manque d'infrastructures. L'arrestation, hier, par la police marocaine, de Nasser Zefzafi, le leader de la contestation populaire Hirak Errif, qui secoue depuis plus de six mois le nord du Maroc où la mort tragique, en octobre 2016, d'un vendeur de poisson broyé dans une benne à ordures avait suscité l'indignation, n'a visiblement pas entamé la détermination de la population du Rif à faire aboutir ses revendications. Le mouvement de contestation populaire ne cesse en effet de prendre de l'ampleur dans cette région livrée depuis de longues années pieds et poings liés à la pauvreté et aux trafiquants de drogue. Les animateurs du mouvement Hirak Errif ont annoncé qu'ils allaient «poursuivre la contestation pacifique jusqu'à ce le makhzen satisfasse les revendications mises sur la table». Ils ont exigé en outre «la libération sans condition de tous leurs camarades arrêtés». Au moment où nous mettions hier sous presse, ils s'apprêtaient à descendre dans la rue pour manifester pour la quatrième journée consécutive «contre les intimidations et les arrestations». Plusieurs autres villes, comme Boujniba, Khouribga et Safi, suivent le pas et appellent également à des rassemblements en vue de réclamer des droits socio-économiques et de dénoncer le chômage, la prédation et le manque d'infrastructures. Des milliers de contestataires au chômage y ont déjà organisé ces derniers jours une manifestation contre la «marginalisation» et la «hogra». La protestation a aussi gagné la région de Tinghir dans le centre-est du Maroc. Des rassemblements de «solidarité» ont été également signalés à Nador et Tanger, deux villes du nord du pays, ainsi qu'à Casablanca et Rabat, la capitale du Maroc. Dimanche soir, plusieurs centaines de personnes ont manifesté dans la ville d'Al Hoceima. Aux cris de «Etat corrompu», «Dignité» ou «Nous sommes tous Zefzafi», des groupes de jeunes se sont rassemblés dans certains quartiers de la ville pour tenter d'aller manifester sur la grande place du centre-ville. Ils ont été bloqués par des cordons des forces de l'ordre. Après une heure de face-à-face sur le boulevard Tarik Ibnou Ziad, les policiers et les manifestants se sont finalement dispersés sans affrontement. Al Hoceima est l'épicentre de la contestation contre la corruption et les inégalités sociales au Maroc. La ville est depuis plusieurs jours quadrillée par la police et des unités de l'armée. Chômeur de 39 ans, Nasser Zefzafi n'a cessé ces derniers mois de donner des nuits blanches au pouvoir central marocain. Il était recherché depuis vendredi soir par la justice pour avoir interrompu le prêche d'un imam dans une mosquée de la ville. Cet imam avait accusé le mouvement Hirak Errif de semer la fitna parmi la population. Pour justifier son arrestation, les médias proches du makhzen n'ont cessé de présenter Nasser Zefzafi comme un «conservateur». En trois jours, la police a procédé à 22 arrestations, selon un dernier bilan officiel. C'est la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) qui est chargée de l'enquête, et plusieurs des interpellés ont été transférés au siège de cette unité à Casablanca, a indiqué le parquet à Al Hoceima. Les autorités marocaines veulent à l'évidence décapiter Hirak Errif dans le but d'étouffer la protestation. Les arrestations ont, en effet, visé surtout le noyau dur des militants du mouvement Hirak Errif. Les militants arrêtés sont accusés notamment d'«atteinte à la sécurité intérieure», «incitation à commettre des délits et des crimes», «humiliation de fonctionnaires publics» et «hostilité envers les symboles». L'avocat Abdessadek El Bouchtaoui, qui porte assistance aux familles rassemblées dimanche devant le principal commissariat d'Al Hoceima pour avoir des nouvelles de leurs proches, a parlé, pour sa part, de 70 arrestations depuis vendredi. «Il y a eu 37 arrestation pour la seule journée de samedi», a déclaré Me Bouchtaoui. «21 personnes ont été transférées à Casablanca, les autres sont encore ici, à Al Hoceima», a-t-il précisé, disant craindre les conséquences de «cette approche répressive».