Quels sont les scénarios futurs possibles dans la crise qui oppose le Qatar à plusieurs pays du Golfe, dont notamment l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et le Bahreïn ? La situation ira-t-elle vers plus d'affrontements et de crispations politiques de part et d'autre, ou existe-t-il encore un espoir de désescalade diplomatique ? Quelles sont les solutions, à la fois économiques et politiques, qui s'offrent au Qatar pour sortir de l'isolement dans lequel il a été placé par son grand voisin et rival saoudien ? D'autres pays arabes, comme la Jordanie et le Maroc, complètement soumis au régime saoudien, vont-ils, eux aussi, couper leurs relations diplomatiques avec le Qatar ? Quel rôle va jouer l'Iran voisin qui entretient de bonnes relations avec Doha ? Soufflera-t-il sur les braises, ou adoptera-t-il une position neutre vis-à-vis du conflit ? Et quid aussi des Américains dont la plus grande base militaire au Moyen-Orient se trouve précisément au Qatar ? Les réponses à ces interrogations nous permettront de voir comment cette crise sans précédent va évoluer. Mais d'ores et déjà des signes avant-coureurs montrent que la situation va vers plus d'apaisement que de pourrissement. Ainsi, le ministre des Affaires étrangères qatari, Mohamed Ben Abderahman Al Thani, a déclaré que son pays «est prêt à accepter les efforts de médiation que le Koweït est en train de mener en vue d'alléger la crise», ajoutant que «l'émir du Qatar, cheikh Tamim, a même reporté le discours qu'il devait prononcer à la nation, car il veut donner une chance aux efforts de réconciliation que mène ce pays». Reconstruire la confiance et respecter les accords De leur côté, après avoir suivi presque aveuglement l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis ont, semble-t-il, remarqué qu'ils étaient vite partis en besogne en déclarant la rupture de leurs relations diplomatiques avec le Qatar, seulement une demi-heure après que l'Arabie Saoudite ait annoncé la chose. C'est ce qu'on peut comprendre en lisant les messages postés par le ministre des Affaires étrangères émirati, Anouar Mohamed Guerguash, qui a ouvert la porte au dialogue et à la réconciliation si le «frère qatari change son comportement, ne met pas la sécurité des pays du Golfe en danger et respecte les actes et conventions signés par les pays membres du conseil de coopération des pays du Golfe (CCG)». Ce responsable a appelé le Qatar à faire «preuve de confiance et à construire de nouveaux rapports basés sur la loyauté et le respect mutuel et en ayant comme ligne directrice la défense des intérêts des pays de la région». Ce langage qui tranche complètement avec les premières déclarations intervenues juste après l'annonce de la rupture des relations diplomatiques avec Doha est en réalité un appel indirect pour trouver une solution à la crise et ouvrir un nouveau chapitre dans les relations avec Doha. Car il apparaît de plus en plus que si les pays du Golfe ne rouvrent pas leurs bras pour l'un des leurs, c'est-à-dire le Qatar, c'est l'Iran qui le fera. Téhéran a déjà réagi avec une certaine véhémence à la mise à l'écart de Doha, tout en l'assurant de son «soutien le plus total durant ces durs moments». L'Iran en embuscade L'Union des agriculteurs iraniens a de son côté rassuré le Qatar qu'elle est prête à couvrir tous ses besoins en fruits et légumes et en viandes. Pour sa part, le gouvernement iranien a indiqué à Doha que ses avions peuvent emprunter ses couloirs aériens sans problème et ses bateaux ses voies maritimes. L'Iran, profitant de la crise qui frappe les pays du Golfe, fait un forcing en douceur sur le Qatar afin de l'extraire de cet ensemble régional qui lui est hostile. Et c'est justement cette offre iranienne pour le Qatar qui fera bouger les lignes des autres pays. Ni l'Arabie Saoudite, ni les Emirats et encore moins le Bahreïn ne sont prêts à voir se constituer à leurs portes un nouvel ensemble régional composé du Qatar, de l'Iran et peut-être demain d'Oman et de l'Irak, considérés aussi proche des mollahs. Les Saoudiens n'accepteront jamais ce nouvel état de fait, car ils voient en l'Iran non seulement un ennemi historique mais une menace de la «chiisation» rampante de toute la région. Laisser l'Iran entrer par la brèche qatarie c'est ouvrir la porte à l'idéologie des mollahs qui risque en plus de trouver une terre fertile chez les populations chiites du Bahreïn et de l'Arabie qui se disent victimes des régimes en place. Un tel scénario n'est pas acceptable aussi pour les Américains qui verraient mal une alliance entre le Qatar et l'Iran, cloué au pilori pour son programme nucléaire et accusé de soutenir le terrorisme international. M. Trump pèsera de tout son poids pour qu'une réconciliation ait lieu entre les frères ennemis du Golfe. Les Etats-Unis, dont la plus grande base militaire au Moyen-Orient est installée au Qatar, ne resteront pas les bras croisés longtemps. Ils devront pousser les parties concernées à se mettre à la table des discussions en vue de trouver une sortie de crise honorable pour tout le monde. Surdimensionnées, les relations aujourd'hui troubles entre le Qatar et l'Arabie Saoudite devraient connaître une relative détente dans les jours qui viennent. Il n'y a pas d'autre choix.