Comme tous les secteurs de la vie nationale, celui de l'éducation est en train de partir en vrille. Les examens de fin d'année ne sont plus des tests pédagogiques, mais des épreuves sécuritaires. Depuis l'été dernier, les déclarations officielles ne traitent que des voies et moyens d'éviter la fraude, les tentatives de fraude, d'encadrer les phases de fabrication, de conservation et de distribution des fameux documents qui seront posés, à partir de dimanche prochain, sur les tables d'examen. Les tout derniers propos ministériels font état des «mesures strictes pour prévenir la triche». Cette sécurisation, ou le «protocole antifraude», se fera, ajoute la première responsable du secteur, à travers «l'interdiction des téléphones portables, des outils numériques, des écouteurs…» et autres dispositions jugées confidentielles. Dans cette série de mesures et de mises en garde, les candidats en oublieraient presque qu'ils ont encore le droit de garder à l'esprit les connaissances acquises durant l'année scolaire. Mais le discours du «tout sécuritaire» en direction de ces mêmes candidats n'a fait que se durcir ces derniers jours et prendre des consonances étranges qui n'ont aucun lien avec le monde de l'éducation. Il est ainsi recommandé à ces élèves qui viennent de terminer une année de préparation harassante d'effectuer une «reconnaissance des établissements (centres d'examen), au minimum la veille». La proposition n'est pas heureuse, tout comme celle d'appeler l'ensemble de la société à «partager la responsabilité» dans la bonne organisation et la sécurisation du baccalauréat. Il y a déjà fort à faire, pour ladite société, face à la crise économique et le brouillage des repères politiques et autres. Il faudra sans doute attendre la fin de cette véritable crise sécuritaire autour de l'organisation des examens, née après les scandales de fuite des sujets ayant entaché les sessions précédentes, pour, qu'en enfin, le débat sur la réforme du système éducatif soit enclenché. Celle du bac avait été annoncée pour cette année, mais elle a été reportée et sa mise en œuvre se fera «progressivement jusqu'à 2021». Des propositions intéressantes avaient été formulées, dont celle de «sortir du bac généraliste pour aller vers le bac spécialisé». Les sujets d'examen devront également porter sur des questions qui exigent «l'analyse et non la mémorisation». Une disposition qui a la double particularité d'éviter la fraude et de réinventer l'intelligence. Le projet de réforme a été mis en veilleuse après un tollé soulevé dans les milieux islamo-conservateurs qui accusaient le département de Benghabrit de vouloir supprimer des matières sur lesquelles était fondée, selon eux, l'identité nationale. Officiellement, la réforme du bac a été reportée pour «éviter le stress et les angoisses manifestés par les élèves vis-à-vis de cet examen». L'on a vu que le discours sécuritaire entourant la préparation de ce rendez-vous pédagogique, adopté jusqu'à la «veille» de l'examen, n'a fait que plomber l'environnement psychologique des candidats.