C'est un crime de lèse-majesté et autre ostracisme ne disant pas son nom à l'endroit de la mémoire et à la contribution des maîtres du raï. Excepté, le regretté et martyr Cheb Hasni, qui vient d'être enfin honoré lors de la cérémonie officielle de remise de médailles de l'Ordre du mérite national, sous les auspices du président de la République. Mais point de diva du raï féminin, Cheikha Rimitti ou encore Zahouania, l'emblématique raïwoman, et surtout, le père du raï, Bouteldja Belkacem. Une légende, une sorte de «BB. King ou de James Brown du raï». Bouteldja Belkacem, est l'histoire du raï. Peut-on faire l'impasse et être à ce point frappé d'amnésie par rapport à ce qu'il a apporté, donné et consenti comme sacrifices. Dans l'Algérie post-indépendance. A moins que la «distribution des bons points» soit sélective, voire obéissant à une «fetwa» ou autre honte de la musique raï. Une musique algérienne juvénile et qui est devenue internationale avec ses stars, Khaled et Mami. Un distinguo entre raï «halal» et un raï «haram», fierté et honte ?
Sa famille, dans une détresse inhumaine Et ce, au moment où l'Algérie officielle revendique la paternité du raï, officiellement, auprès de l'Unesco, à titre de patrimoine typiquement national et universel. Une ambivalence dans l'acception et l'acceptation du raï du terroir. Sans tomber dans le misérabilisme et autre esprit chagrin, Bouteldja Belkacem, un Algérien, mérite que l'on s'attarde sur son parcours en observant une halte, soulignant sa mémoire, son esprit, encore une fois, rebelle. Un raïman de la première heure, «old school». Actuellement, la veuve de la légende du raï, Bouteldja Belkacem - décédé le 1er septembre 2015 à l'âge de 64 ans après un long et terrible combat courageux contre le cancer - est handicapée motrice (suite à une erreur médicale), un calvaire pour la déplacer. Elle réside au 3e étage d'un immeuble au quartier Haï Zitoun, Dar El Beïda, à Oran. La famille Bouteldja ne ferme pas la porte de l'appartement (location) à clé. Sa veuve ne peut se lever pour l'ouvrir. Hormis une petite aide annuelle (ou semi-annuelle) de l'ONDA, la veuve Bouteldja n'a ni retraite, ni salaire, ni pension, ni autre soutien ou autre rente. «Que le bon Dieu, comme disent les petites gens». Sa fille est sans emploi. Ce sont les voisins, des âmes charitables forçant le respect, qui subviennent aux besoins de cette famille. Oui, la famille du grand Bouteldja Belkacem, le précurseur de la musique raï. Des lettres… mortes Alors que la famille de Bouteldja Belkacem avait reçu deux lettres personnelles de condoléances émanant du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, et de son frère et conseiller du Président, Saïd Bouteflika, où ils rendaient hommage à la légende du raï, Bouteldja Belkacem. «J'ai appris avec peine la nouvelle du décès de l'artiste de renom qui laisse un grand vide parmi ses compagnons, ses confères et toute la famille artistique algérienne. La disparition de Belkacem Bouteldja est une grande perte pour notre scène culturelle et artistique, notamment pour la chanson raï qu'il a sublimée et élevée au rang de la mondialité», saluait en substance sa mémoire, le président de la République. Pour l'histoire (du raï), Bouteldja Belkacem, alors âgé à peine de 13 ans, en 1965, avait fait vaciller le trône de la reine de l'époque, Cheikha Rimitti, en sortant un 45 tours où figurent deux titres, Gatlek Zizia et Lahaoulouni. Le succès est immédiat à travers l'Algérie. Il venait d'entrer dans l'histoire en modernisant le chant folklorique oranais. Et puis suivront Milouda, Serbili baoui, Ya Rayi, Sidi el Hakem…Et en 1974, Boutelda Belkacem et Messaoud Bellemou, le fameux trompettiste, propulseront un nouveau genre musical, le pop raï, en introduisant une section cuivre, une fanfare et des instrumentistes. Bouteldja Belkacem a ouvert une voie royale à d'autres émules. Sans lui, il n'y aurait eu ni Khaled, ni Fadéla, ni Mami, ni Hasni ni Bilal…