Le gouvernement a décidé la mise en place d'un fichier national pour recenser le nombre de migrants et n'exclut pas la possibilité de leur accorder des permis de travail. Changement de ton dans le traitement du dossier des migrants ou simple nuage de fumée ? Les propos du ministre de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire, Noureddine Bedoui, tenus lundi dernier à Tipasa, laissent en tout cas entrevoir un infléchissement de la politique d'accueil des ressortissants africains sur le territoire national. Longtemps pourchassés par les forces de l'ordre, les migrants africains sont dorénavant considérés comme les «invités» de l'Algérie, dont la prise en charge «se fera dans le respect des droits humains et des chartes internationales dans le domaine», a déclaré le ministre de l'Intérieur, selon l'APS. Les invités de l'algérie «L'Algérie considère ces réfugiés, venant de pays en butte à des conditions difficiles, comme étant des invités qu'il faut prendre en charge au plan médical, social et psychologique, individuellement et en groupe», a souligné le ministre. Et d'ajouter : «Certains pays d'Afrique vivent dans des conditions difficiles à l'origine de la hausse du nombre des réfugiés.» Un nombre que le gouvernement algérien est incapable de chiffrer, même si la directrice d'Amnesty International, Hassina Oussedik, avait avancé le celui de 100 000 migrants, dont 7000 seulement ont un statut légal. Pour faire face à cette situation, le gouvernement a décidé la mise en place d'un «fichier national» en vue de recenser leur nombre, mais se refuse pour l'heure à faire voter «une loi sur l'asile», ni à mettre en place un organe national chargé de statuer sur les demandes d'asile. Jointe par téléphone, Saïda Benhabilès, présidente du Croissant-Rouge algérien (CRA), s'est déclarée «satisfaite» par les propos du ministre de l'Intérieur. «Nous soutenons cette démarche, a affirmé la présidente du CRA. Pour notre part, nous continuerons à apporter aide et soutien à ces populations comme nous le faisons depuis 2014.» Des propos qui contrastent avec ceux tenus au moment de la vague d'arrestations et de reconduite aux frontières dont ont été victimes les migrants subsahariens. A l'époque, la présidente du CRA, dans les colonnes d'El Moudjahid, justifiait ces actions en ces termes : «Vu la promiscuité qu'il y a dans la capitale et que cette promiscuité pose des problèmes d'ordre sécuritaire, les pouvoirs publics ont décidé de transférer les migrants dans le Sud où les conditions d'accueil sont meilleures.» Comment interpréter ce changement de discours ? Il intervient pour redorer l'image du pays au moment où l'Algérie a été pointée du doigt par les organisations internationales, lors de la vague d'arrestations de 2016, et que les migrants subsahariens ont été placés dans des camps de rétention à Alger ou à Tamanrasset, puis expulsés du pays. Derrière l'argument humanitaire, se cache également un argument économique. Le ministre a signalé la possibilité de l'emploi des migrants dans des chantiers de construction, entre autres, considérant que l'Algérie a un besoin de main-d'œuvre dans certains domaines. De nombreux chefs d'entreprise dans le bâtiment ont en effet mutiplié les appels à fournir les permis de travail à des migrants employés sur leurs chantiers. Une main- d'œuvre qui semble avoir convaincu par son efficacité et qui de plus ne coûtrerait pas cher.