En guerre contre le pouvoir central de Bogota depuis 1964, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) ont annoncé, officiellement mardi, l'abandon des armes. Lundi, la Mission des Nations unies en Colombie, chargée de superviser le désarmement et de détruire les armes, a déclaré que les quelque 7000 combattants des FARC ont remis l'ensemble de leurs armes. L'accord avec les FARC, qui inclut aussi un dédommagement pour les victimes, une réforme agraire et la lutte contre le narcotrafic, a d'ailleurs été initialement rejeté par 50,2% des voix par les Colombiens lors d'un référendum en octobre. Les opposants à l'accord ont fait campagne en dénonçant notamment le «laxisme» des sanctions prévues contre les auteurs des crimes les plus graves et la participation des guérilleros démobilisés à la vie politique, craignant un «castro-chavisme» inspiré des régimes cubain et vénézuélien. La consultation a été voulue par le président Juan Manuel Santos afin de donner la «plus large légitimité» possible à l'accord qu'il a signé en septembre 2016 avec le chef des FARC, Rodrigo Londoño, plus connu sous ses noms de guerre Timoleon Jiménez ou Timochenko. L'accord est renégocié. Sa nouvelle version été approuvée par le Parlement. La prochaine étape sera le retour à la vie civile de ces ex-guérilleros, jusque-là regroupés dans 26 zones du pays et qui bénéficieront d'une justice spéciale garantissant l'amnistie pour la majorité d'entre eux. Les FARC devraient se convertir en parti politique, avec comme priorité les élections générales de 2018, pour lesquelles elles pourraient présenter un candidat présidentiel. Un congrès du parti est prévu en août. Restera alors un autre défi à relever pour parvenir à la «paix complète» tant souhaitée par le président Santos : négocier un accord similaire avec la dernière guérilla active du pays, l'Armée de libération nationale (ELN), qui compte encore 1500 combattants. Des pourparlers ont débuté en février à Quito, mais sont entachés par les enlèvements que continue de mener l'ELN. La semaine dernière, deux journalistes néerlandais sont enlevés puis relâchés cinq jours plus tard. Passé douloureux En 1948 et 1954, lors de la guerre entre conservateurs et libéraux, période baptisée du nom de «La Violencia», le Parti communiste et les libéraux ont organisé des groupes d'autodéfense dans les campagnes, groupes d'où, ultérieurement, sont nés en 1964 les FARC. Leur principale revendication : un partage plus équitable des terres. Elles demeurent, 52 ans plus tard, l'un des derniers mouvements révolutionnaires armés actifs sur le continent américain. Une année après, en 1965, surgit l'ELN. Ses revendications ne sont pas différentes de celles des FARC. Elle dénonce les groupes d'autodéfense auxquels elle est confrontée et la politique pétrolière du gouvernement qu'elle voit liée aux intérêts des multinationales. Ainsi, ses cibles principales sont les oléoducs. Plusieurs tentatives de négociations entre les gouvernements et les guérillas ont eu lieu. Sous la présidence du conservateur Belisario Betancur (1982-1986), un cessez-le-feu bilatéral est conclu lors des accords d'Uribe, le 28 mars 1984. D'où la création d'un parti politique, l'Union patriotique (UP), réunissant les militants des diverses gauches non armées, rejoints par de nombreux guérilleros des FARC démobilisés. Après avoir fait élire 14 sénateurs, 20 députés, 23 maires et plus de 300 conseillers municipaux en 1986, les militants, sympathisants et dirigeants de l'UP vont être exterminés par les ultras de l'armée et les paramilitaires : 4000 morts, dont deux candidats à l'élection présidentielle, Jaime Pardo Leal en 1987 et Bernardo Jaramillo en 1990. Combattant insurgé revenu à la vie civile, élu député du Caquetá, Iván Márquez, comme bien d'autres, regagne le maquis à la fin des années 1980. Le M-19 est le premier mouvement de guérilla à signer un accord de paix avec le gouvernement. Il s'est converti en mouvement politique appelé Alliance démocratique M-19. Suivent en 1991 l'Armée populaire de libération (APL) d'obédience maoïste, le Parti révolutionnaire des travailleurs (PRT) et le mouvement indigène Quintin Lame. En 1994, c'est au tour du Courant de rénovation socialiste (CRS) d'opter pour la démobilisation. Sous la présidence du président Andrés Pastrana, des négociations dites «du Caguán» ont eu lieu entre octobre 1998 et février 2002. Entre-temps, Bogota mène la lutte contre les narcotrafiquants. D'où l'intervention des Etats-Unis qui considèrent la coopération avec la Colombie en la matière comme une question de sécurité nationale. Washington a estimé, à la fin des années 1990, que 80% de la cocaïne et 50 à 70% de l'héroïne consommée sur son territoire proviennent de la Colombie. Cependant, pour la guérilla, cette lutte antinarco encadrée par les Etats-Unis constitue une occasion pour Bogota de laminer les mouvements rebelles. De son côté, le président du Venezuela, Hugo Chavez, a refusé le survol du territoire de son pays par des avions américains dans le cadre de leur mission de lutte contre le narcotrafic.