C'est grave. Aux dernières nouvelles du front de la pomme de terre, rien ne va plus et la situation semble se diriger vers une crise majeure. Le pétrole baisse, mais la pomme de terre augmente sur les marchés. L'Algérie exporte de la pomme de terre, mais juge qu'elle est trop chère à importer pour satisfaire la demande interne. Les agriculteurs et les intermédiaires se rejettent les responsabilités, tout comme les ministres du Commerce et de l'Agriculture s'accusent mutuellement de ne rien faire. En attendant, le « frites-omelette », devenu plat national depuis la mort programmée du couscous, a atteint des pics à la bourse d'Alger. Le sujet n'est pas amusant, c'est un thème beaucoup plus sensible que la politique énergétique, le chômage ou la crise du logement. Car bien avant les menaces du FIS triomphant, l'Algérien avait changé ses habitudes alimentaires, devenant de fait un hybride moderne de la cuisine : pâtes et pommes de terre chez lui, pizzas et frites-omelettes à l'extérieur, au point d'être aujourd'hui aussi gras qu'un présentateur de l'ENTV et aussi malade qu'un général à la retraite. Tout le monde le sait : une simple crise de mayonnaise à l'échelle nationale et c'est l'émeute générale. Tous les sociologues des pays en voie de fermeture le savent aussi : quand il ne reste plus rien, il reste toujours quelque chose à manger. D'ailleurs, dans cette vision particulière de la construction nationale qui le caractérise, le président Bouteflika vient juste de féliciter Mohamed Kacem, président de l'OAIC, importateur public de céréales. Pour avoir anticipé sur les hausses de cette denrée alimentaire et stocké du blé dans ses silos, Mohamed Kacem a évité un choc majeur. En récompense, le Président a envoyé le président au hadj. Alors, pourquoi pas le prix Nobel de la paix pour le directeur de la pomme de terre qui réglera ce problème sur les marchés ?