Le ministre français de l'Intérieur mais surtout potentiel candidat de l'UMP à l'élection présidentielle prévue pour mai prochain, a renvoyé l'ascenseur au président Bouteflika, le remerciant pour le « succès » de sa visite en Algérie, les 13 et 14 de ce mois. Dans une lettre qu'il lui a adressée hier, en plus de ses « vifs remerciements pour l'accueil chaleureux » qu'il lui a réservé, Sarkozy l'a truffée de messages subliminaux qui vont au-delà d'un discours de circonstance et de courtoisie. « Ce voyage en Algérie était très important pour moi et je me réjouis qu'il se soit si bien déroulé. » Voilà qui lève un coin du voile sur les implications politiques, voire électoralistes du crochet du leader de la droite française en Algérie. Et il en sait gré à Bouteflika qui, pour l'avoir reçu « cinq heures » durant, aura décapé la couche de haine que la communauté algérienne de France et même les Algériens d'ici, ont collée au ministre de l'Intérieur qui voulait user de Karcher pour « nettoyer ». « Je sais la part déterminante que vous avez prise dans ce succès et je ne l'oublierai pas », note Sarkozy dans son message de reconnaissance au président de la République suggérant ainsi qu'il lui a sauvé la face à quelques mois de la présidentielle dont les voix des immigrés pourraient peser lourd dans le décompte final. Et le ministre français de l'Intérieur ne tarit pas d'éloges à l'égard de son hôte qu'il couvre d'adjectifs aussi flatteurs les uns que les autres. « Sachez que j'ai passé en votre compagnie des moments particulièrement agréables et enrichissants. La pertinence de vos analyses sur la relation bilatérale comme sur les grandes questions internationales suscite mon plus grand respect. » Et au détour des belles formules, le ministre de l'Intérieur enfile le costume de présidentiable pour se projeter, avec Bouteflika, dans une perspective politique beaucoup plus intéressante. « J'ai constaté avec plaisir que nous partagions un grand nombre de préoccupations (…) J'ai également été heureux de recueillir vos analyses si sages sur le sens de l'amitié franco-algérienne à laquelle, comme vous, j'attache la plus grande importance. » Dans la peau de Chirac Le « comme vous » de Nicolas Sarkozy sonne ici comme un engagement de sa part à refonder la relation, aujourd'hui tumultueuse, entre l'Algérie et la France en la promettant à des lendemains qui chantent. Sous sa conduite bien sûr. Sarkozy ne s'encombre même pas de suppositions en lançant, quasi sentencieux, à Bouteflika cette promesse-engagement : « Vous pouvez compter sur ma détermination à ancrer cette relation dans l'avenir, car elle doit servir de modèle d'association pour l'ensemble des relations entre la Méditerranée et l'Union européenne. » L'avenir dans l'esprit de Sarkozy ne se conçoit évidemment qu'au palais de l'Elysée où il pourra entretenir cette « idylle » naissante entre lui et Bouteflika. C'est un peu comme si Nicolas Sarkozy était venu dire à Bouteflika de ne plus compter sur le président Chirac et d'envisager, désormais, les futurs rapports franco-algériens avec lui. Une sorte de passage de témoin que l'Algérie officielle semble apprécier ne serait-ce qu'au regard du crochet sans histoires effectué par le premier flic de France à Alger. Et le ton particulièrement conciliant et affectif aux entournures du message, suggère que Sarkozy n'est pas forcément le mal aimé à Alger. Ceci d'autant plus que, historiquement, l'Algérie a des atomes crochus plutôt avec la droite. La gauche française, elle, traîne encore des casseroles qui remontent jusqu'à la Révolution, avec le vote des pouvoirs spéciaux en Algérie sous le gouvernement de Guy Mollet avec un certain François Mitterrand comme ministre de l'Intérieur. Ce fut également le même Mitterrand qui, en 1992, avait appelé au respect du « choix du peuple » au lendemain de l'arrêt du processus électoral et plaida pour une « conférence internationale sur l'Algérie ». La gauche, sous feu Mitterrand, avait donc misé sur l'ex-FIS dont elle avait accueilli les partisans au titre d'exilés politiques. C'est dire que l'Algérie demeure suspicieuse à l'égard de la gauche française même si celle-ci produit également de beaux discours - sans lendemains du reste - sur l'immigration. Sur ce terrain, la droite a au moins ce mérite de faire ce qu'elle promet. C'est ce qui expliquerait peut-être « l'entente parfaite » que met en exergue le message de Nicolas Sarkozy. De là à trancher que l'Algérie a définitivement choisi son cheval dans la présidentielle française, il y a un pas que d'aucuns ont, d'ores et déjà, franchi.