Les premières prévisions de clôture de l'année 2006 sont venues confirmer ce que redoutaient les décideurs économiques depuis plusieurs mois. La croissance algérienne s'est sensiblement ralentie en 2006. Premier constat des dégâts. Les chiffres sur les prévisions de clôture de l'année 2006, rapportés mercredi dernier par l'économiste Abdelmadjid Bouzidi dans sa chronique au Soir d'Algérie, ont jeté le froid. Le PIB algérien n'évoluerait en volume que de 2,7% cette année, contre 5,1% en 2005, 5,9% en 2004 et 6,9% en 2003. Ces chiffres 2006 - encore officieusement sous embargo auprès d'un organisme financier multilatéral - demandent bien sûr à être confrontés aux résultats du dernier trimestre de l'année. La performance du secteur de l'énergie qui aurait produit moins d'hydrocarbures en 2006 qu'en 2005 – même ci cela a été masqué par un important effet prix - est particulièrement sujette à caution. Les hydrocarbures se retournent contre le PIB Il n'en reste pas moins débarrassé des variations de la production énergétique soumise aux aléas techniques et à la politique des quotas de l'OPEP et celles de la production agricole encore fortement influencées par la pluviométrie, les deux indicateurs les plus significatifs de l'évolution de l'activité économique en Algérie - le PIB hors hydrocarbures et le PIB hors agriculture baisseraient de 4,7% en 2005 à 4,3% et de 5,2% à 4,4%. Ce sont là des taux inférieurs à peine proches de la moyenne prévisionnelle de la croissance mondiale pour 2006 (4,5%) et nettement plus faibles que la croissance moyenne des pays émergents (6,2%) à laquelle il plus naturel de comparer l'évolution de la conjoncture en Algérie. Principale coupable de la mauvaise performance d'ensemble du PIB algérien en 2006, la baisse de la production d'hydrocarbures. Ce fléchissement était annoncé déjà par les chiffres de l'ONS du premier semestre (- 0,5%). Le ministre de l'Energie et des Mines, M. Chakib Khelil, toujours prompt à communiquer sur la progression de la production énergétique depuis 2000, n'a pas encore réagi pour expliquer ce revers situé dans la prévision de clôture rapportée à hauteur de -1,2%. Le choix stratégique qui a été arrêté l'été dernier de ralentir le rythme de la recherche-exploration compte tenu du niveau élevé des revenus énergétiques n'est pas responsable de cette baisse de production. Il n'aura d'effet que dans le terme des cinq ans en modulant l'arrivée de nouvelles quantités extraites dans des gisements découverts et développés. Au-delà de cette défaillance de la production des hydrocarbures, la croissance hors ce secteur ne connaîtrait qu'une croissance de 4,3%. Un chiffre "décevant" pour reprendre le commentaire de Abdelmadjid Bouzidi. Pour Said Ighil Ahriz, directeur du bureau d'étude Ecothecnics, "c'est toujours la croissance industrielle qui pose problème dans la tenue globale de l'activité hors hydrocarbures". La prévision de clôture de l'industrie pour 2006 est de 2% de croissance contre 3,3% en 2005. La faiblesse de la croissance industrielle en Algérie a déjà provoqué une réaction chez les pouvoirs publics avec le lancement aussi spectaculaire que surprenant d'une étude sur la stratégie industrielle annoncé l'été dernier par Hamid Temmar, ministre des Participations et de la Promotion des investissements. Après le secteur public industriel longtemps accusé de plomber les comptes de la nation, c'est le secteur privé qui devient la nouvelle tête de Turc des décideurs économiques de l'équipe de Bouteflika ; comme cela transparaît des déclarations de Abdelatif Benachenhou, la semaine dernière à Paris, qui reproche aux privés algériens d'être rétifs aux réformes économiques après que Hamid Temmar ait avoué s'être trompé sur la capacité du privé à tirer seul la croissance économique. Un rebond en 2007 ? Mais de simple conjoncture… Ces résultats modestes de l'activité économique en Algérie en 2006 vont-ils se prolonger en 2007 ou alors les conditions d'un fort rebond de la croissance sont-elles réunies ? Il existe autant de raisons de redouter le premier scénario que d'espérer le second. Dans le registre de la prévision sceptique, rien "dans le traitement de l'offre" ne présage un bond de l'investissement industriel. Les crédits du secteur financier à l'économie – qui financent les investissements d'aujourd'hui, la croissance de demain et les emplois d'après-demain – ont même baissé en 5,5% en 2006. Evolution sinistre puisqu'elle propulse l'Algérie, avec 56,3%, à la tête des pays du monde où le taux d'épargne est le plus élevé. Un non-sens dans un pays où le chômage et "les gap sociaux" à rattraper sont si importants. Les niveaux élevés de production agricole, d'hydrocarbures et d'activité dans le BTP atteints en 2005 vont continuer à peser sur les indices suivants au-delà de 2006 : il ne sera pas facile de faire mieux en volume. A l'actif d'un rebond de l'activité, l'effet décalé des dépenses d'équipements en forte croissance dans le budget 2005 et 2006 et qui correspondront probablement à un surplus d'activité hors BTP à partir de 2007. L'augmentation des salaires en 2006 devrait également bénéficier partiellement à certaines branches de la production manufacturée nationale. Rien toutefois qui ne mette l'activité économique sur l'orbite haute de la compétitivité mondiale. En 2006 les exportations hors hydrocarbures, véritable indice transcendant de la position concurrentielle du pays, ont encore baissé de 1,8% à 1,3%. Une chose est acquise, il existe un vrai problème de ressort durable de la croissance algérienne qui lié à des paramètres factices (hydrocarbures, agriculture, BTP) n'arrive pas à atteindre le dynamisme des pays émergents. Quelle que que soit l'issue finale des comptes de la croissance de 2006 un débat national de politique économique paraît inévitable après les revers de cette année.