Officiellement, les gardiens de parking, les vendeurs de rue et les plagistes squatteurs de plages n'existent pas. Dans la réalité, c'est différent, et tout comme les mafieux existent à l'intérieur de l'Etat et les voleurs de baskets dans les mosquées, les trois catégories existent et continuent de racketter les citoyens sans payer d'impôts. Le problème est d'autant plus crucial à la plage, en plein été et avec cette chaleur persistance. 14 wilayas côtières, 1400 kilomètres de côtes, où nager ? Ce n'est pas aussi simple que cela y paraît, tout dépend en effet si vous êtes un homme, en short, une famille, voilée, ou pas, une femme, en bikini ou en scaphandre, si vous êtes deux, en couple ou 15, si vous avez de l'argent pour payer le parasol Coca-Cola ou juste le beignet du vendeur de beignets qui, lui, passe toujours. Car là où la plage est synonyme de détente, c'est un haut lieu d'affrontement idéologique et commercial en Algérie. Femmes et hommes, maillot pas maillot, plage gratuite ou payante, la guerre fait rage, entre par exemple l'initiative des Annabis pour récupérer des espaces et les attaques des islamo-conservateurs qui organisent campagnes d'intimidation et prières collectives à même les plages, voire directement dans l'eau. Comme chaque été, c'est dans la mer blanche du milieu, bahr el abiad el moutawassit selon l'appellation arabe, que les problèmes de société se débattent, parfois à coups de parasol, là où on devrait simplement bronzer et nager. Oui, l'Etat est très occupé et vient d'ailleurs de nommer un ministre du Tourisme, un Targui de Djanet et anciennement directeur du parc du Tassili, ce qui est une bonne nouvelle. Mais pourquoi avoir attendu plus d'un mois et demi pour le nommer alors que la saison estivale a commencé ? Un Oranais plongé dans la contemplation de la mer blanche a eu cette réponse : les Tlemcéniens viennent de partir en vacances dans leurs résidences en Espagne comme chaque été. Une fois installés, ils ont donc pu nommer le ministre.