Il y a décidément un problème dans l'interprétation des instructions relatives à la gratuité de l'accès aux plages. Certes, les panneaux de signalisation indiquent bien que la baignade est autorisée ou interdite, mais sans préciser si l'accès à la mer est gratuit. Notre court détour au niveau de certaines plages de la wilaya de Tipasa a été révélateur de ces incohérences entre la décision des pouvoirs publics et l'amère réalité du terrain. L'absence des commis de l'Etat locaux chargés de veiller à l'application stricte des directives des hauts responsables est-elle à l'origine de cette situation ? Les complicités locales et l'indifférence face aux instructions du wali et des hautes autorités du pays ne sont pas étrangères à ce triste état des lieux. Les exceptions sont très rares. La plage du Chenoua (Tipasa) est un exemple. En effet, de nombreux véhicules occupent les espaces. Un policier en uniforme nous accueille à l'entrée de la plage et répond à nos questions. «Non, l'accès est gratuit ici, mais essayez de trouver une place pour vous installer, regardez, il y a beaucoup de monde», nous dit-il. L'accès était payant sur cette plage durant la saison estivale 2016. Tout le long de la corniche du Chenoua, sur le CW109, la floraison de bâtiments et de maisons, sans permis de construire, impressionne. La loi du DPM (domaine public maritime) n'est pas respectée. Les barons imposent leur diktat et les responsables locaux ferment les yeux sur les dépassements. Des citoyens ne s'empêchent pas d'arroser exagérément à l'eau les trottoirs devant leurs commerces et leurs maisons. Gaspillage qui rime avec impunité. La route fraîchement bitumée est traversée par des tranchées de raccordement d'eau. Des chauffards profitent de l'absence des services de sécurité pour imposer leurs conduites dangereuses le long du CW109. La plage de Oued Oumazer est jonchée de parasols. Il n'y a plus de place pour s'installer au bord du rivage. La mer est légèrement agitée. Des jeunes sont à l'affût du grand rush pour vendre leurs produits. L'accès aux plages d'El Hamdania n'est pas gratuit. Il faut payer des jeunes coiffés de casquettes pour pouvoir s'assoir au bord de l'eau. «Mettez votre véhicule là où vous voulez, c'est 100 DA», nous dira l'un d'eux qui «chasse» de son regard le mouvement des voitures. Arrivée à la plage de Oued Bellah, gérée par un prête-nom d'un élu local, déjà fiché dans les archives des services de sécurité, notamment durant la période où le pays vivait les années de terrorisme. Ces individus extrayaient sauvagement le sable des plages et massacraient les sites naturels pour faire fortune. Pour accéder à la plage de Oued Bellah, il faut franchir la barrière de ce camping érigé à l'entrée de la plage. «L'entrée est fixée à 200 DA, mais donnez-moi 100 DA et je vous laisse passer», nous demande gentiment ce vigile éphémère. Etrangement, deux embarcations en matière plastique sont déposées au seuil de ce hangar, patrimoine de l'APC de Cherchell. «Constructions navales» est la signalisation portée sur un panneau. L'APC de Cherchell avait loué les hangars en catimini. Malgré les instructions du wali lors de sa visite, l'activité continue. Les élections locales approchent. Les élus se préparent pour bénéficier des soutiens. A l'ouest de Sidi Ghilès, l'entrée de la plage de Madame Romaine est jonchée de bouteilles de bière en verre. Il faut payer 100 DA pour accéder avec notre véhicule à la mer. L'ombre est très rare dans cet espace déjà occupé par des tables et des tentes. A l'extrémité de la wilaya de Tipasa, au niveau de la plage centre de Damous, l'accès est gratuit depuis toujours. Néanmoins, l'hygiène de ces endroits de détente laisse à désirer. Il n'y a pas assez d'effectifs pour nettoyer les plages. Dans l'une des plages de la commune de Aïn Tagouraït, un jeune homme au grand gabarit, sympathique, nous demande sans détour 100 DA pour une place sur une plage déjà jonchée de parasols. A-t-on réellement travaillé pour préparer la saison estivale sur les sites ? Le chef de l'exécutif de la wilaya a tenu des séances de travail afin d'instruire chaque responsable et chaque élu à agir selon un planning, pour permettre aux familles algériennes de séjourner dans des conditions confortables dans sa wilaya. L'état des lieux illustre le désengagement et le désintérêt criant des gestionnaires des affaires publiques locales. Personne ne rend compte de son bilan. Le chef de l'exécutif de la wilaya avait dépêché une commission plurisectorielle afin de remettre de l'ordre au niveau des plages autorisées à la baignade de la wilaya de Tipasa.