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Abdelhak Bererhi (Porte-parole du CCDR)
« Les démocrates ne doivent plus se contenter des strapontins du pouvoir »
Publié dans El Watan le 28 - 11 - 2006

Abdelhak Bererhi, qui s'est présenté à notre rédaction en compagnie du commandant Azzeddine, explique dans cet entretien les grandes lignes de l'initiative lancée le 17 octobre dernier par le CCDR. L'idée de constituer des collectifs d'initiative politique à travers le pays vise, selon lui, à fédérer les efforts de tous les démocrates et des républicains en vue de constituer une force de proposition et d'action capable d'affronter ce qu'il appelle l'alliance des islamistes-conservateurs. Une alliance qui, selon lui, met le pays en danger et menace le processus de démocratie. L'initiative en question est constituée de sept points importants susceptibles d'apporter beaucoup de progrès, à tous les niveaux, au pays.
Vous avez lancé, le 17 octobre dernier, un appel pour l'initiation des collectifs d'initiative démocratique. Où en est-on actuellement ?
Nous avons lancé cette initiative aux citoyennes et citoyens dans la mesure où nous considérons que la société civile est directement impliquée et concernée. Cela ne signifie pas que le CCDR soit donneur de leçons de démocratie. Loin de là. On le dit en toute humilité. Les partis démocrates et les organisations politiques démocrates se sont battus pour les libertés démocratiques en général. Nous, nous avons essayé de rassembler un pôle démocratique à deux reprises, mais cela n'a pas marché pour plusieurs raisons. Nous avons pensé à cette nouvelle initiative, quand nous avons constaté que l'Algérie est en danger. Le collectif d'Alger s'est réuni les 9 et 16 novembre. Des noyaux de collectifs se mettent progressivement en place à l'intérieur du pays. Le collectif d'Alger a fait le point sur la situation qui prévaut dans le pays et a étudié un projet de lettre d'intention. Une lettre qui a été adoptée et qui sera publiée dans le journal El Watan. Cette lettre résume, en fait, la situation aux plans politique, économique et social. Actuellement, il y a une recrudescence des actes de terrorisme, les problèmes d'une politique ultralibérale décousue et le chômage qui frappe les jeunes malgré l'embellie financière. Donc, tous ces éléments ont été discutés. Nous disons c'est vrai qu'il faut être un front de résistance, surtout devant l'alliance islamiste conservatrice qui se met en place et les risques de dérapage vers la théocratie et la régression. Il faut être un front de résistance, mais également une force de proposition. Donc, on a arrêté sept grandes pistes de réflexion et d'action. La première est une sorte de mémorandum pour dire où en est l'Algérie depuis l'indépendance à ce jour. Il est important que ce soit publié et que les citoyens le sachent en détail. Là, il faut un travail de fond. Deuxièmement, c'est de dire que le devoir de mémoire doit être consacré et qu'il ne faut pas oublier ceux qui sont morts durant la dernière décennie. La troisième piste concerne essentiellement le problème des droits avec le projet de la révision constitutionnelle ; c'est dire quelles sont les balises républicaines qu'on doit mettre en œuvre pour que l'islamisme ne puisse pas un jour diriger le pays. Dans cette rubrique, il y a, bien entendu, des problèmes du code communal, ceux du code de wilaya et du code de la famille et aussi la loi sur les partis politiques et la loi électorale qu'il faut absolument redéfinir. Une autre piste également importante : c'est la citoyenneté. Dans ce sens, il faut qu'une charte de la citoyenneté soit élaborée. Un travail est déjà fait concernant cette question, mais il faut un atelier pour mettre ce projet noir sur blanc. Il y a une autre piste qui concerne les libertés d'une manière générale : la liberté d'opinion, la liberté d'expression, les libertés syndicales et la création d'un observatoire des libertés. Un observatoire qui regroupera des syndicalistes, les citoyens et les associations. L'autre piste intéressante c'est la charte du développement qui doit accorder beaucoup d'importance aux ressources humaines. Sans les ressources humaines, vous ne pouvez rien faire. Il faut donc accorder beaucoup d'intérêt à l'école, au statut particulier des travailleurs, à la revalorisation du travail et reposer dans le même ordre d'idées l'émancipation des régions. La septième piste se rapportera à la mise en œuvre d'une charte culturelle et identitaire. Dans tout ce travail, il faut donner une importance considérable aux jeunes et aux femmes. Je pense que c'est une initiative qui permettra une ouverture vers l'universalité, l'instauration d'un Etat de droit et une république authentique. En somme, c'est un projet de société moderne, républicaine. Pour la réalisation de ce projet, nous renouvelons l'appel à tous nos cadres, les syndicalistes et les partis démocrates, pour s'associer à cette initiative pour la mise en place d'un rassemblement des forces démocratiques. La seule issue est l'alternative démocratique.
Comment comptez-vous mettre en œuvre ce projet ? Avez-vous entamé des contacts avec des personnalités crédibles qui sont en mesure d'apporter leur contribution pour la réussite de ce projet ?
Nous comptons d'abord sur la mobilisation à la base en mettant en place un collectif d'initiative démocratique. C'est aux citoyens de choisir ce qu'ils veulent. Le premier collectif constitué à Alger s'est exprimé vraiment dans ce sens. Cette lettre d'intention est un avant-projet qui a été débattu. Des noyaux de collectif commencent à s'installer à l'intérieur du pays. En même temps, nous allons faire appel à des personnalités démocratiques pour apporter leurs compétences, réfléchir et agir ensemble. La réflexion va porter sur les grands axes de cette stratégie. Des contacts sont pris et d'autres suivront avec des gens qui veulent vraiment participer à cette initiative. Ce sont des cadres de très haut niveau qui sont restés chez eux et qui veulent participer à la construction de l'Algérie. Ils sont honnêtes, compétents, mais marginalisés et mis à la retraite avant l'âge.
Les démocrates sont actuellement divisés. Pensez-vous que cette initiative va les rassembler ?
Le pouvoir a réussi à diviser les organisations politiques démocratiques. Il a réussi à créer même « des mouvements de redressement » dans le but de créer des dissensions au sein des partis. C'est le cas du MDS actuellement. On voit également des dissidents des autres partis qui sont exploités par d'autres mouvements du pouvoir afin de créer de faux pôles républicains et démocrates. C'est un danger. Le projet que nous proposons nécessite un travail de longue haleine qui doit laisser des traces et des éléments de réflexion. Le rassemblement des démocrates doit se faire, peut-être pas en ce moment, mais à moyen ou long terme. Là, nous serons une force. Pour cela, il faut rompre l'équilibre des forces qui existent actuellement. Il n'est pas question, pour nous, de partager des miettes de gâteau ou des strapontins du pouvoir pour servir d'alibi démocratique à ce régime qui a rejeté l'alternative démocratique. Les prémices d'une alliance des démocrates lui font peur.
Vous avez parlé de danger qui menace l'Algérie et de la démocratie. Où se situe exactement cette menace ?
Le danger, c'est de voir cette alliance qui se profile entre islamistes et conservateurs ainsi que le risque d'aller vers une régression. Il y a surtout ces contradictions du pouvoir qui souffle le chaud et le froid. Ce n'est pas rassurant. Cela n'est pas clair. Le deuxième aspect, c'est le plan social où règnent une misère et une paupérisation terribles. La classe moyenne est laminée, les deniers publics sont dilapidés et la corruption se généralise. Et puis, il y a cette libéralisation débridée qui va dans tous les sens, sans aucune perspective d'avenir pour les jeunes.


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