Le déplacement d'Erdogan survient au surlendemain d'une offre de dialogue faite par l'émir du Qatar, cheikh Tamim Ben Hamad Al Thani, qui a toutefois rejeté tout «diktat». Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a entamé hier une tournée dans le Golfe pour tenter d'apaiser les tensions entre le Qatar et ses voisins. Première étape de cette tournée, Djeddah, en Arabie Saoudite, avant de se rendre au Koweït dans la soirée, puis au Qatar aujourd'hui. L'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l'Egypte ont rompu, le 5 juin, avec le Qatar, qu'ils accusent de soutenir «le terrorisme» et de se rapprocher de l'Iran. Le déplacement de R. T. Erdogan survient au surlendemain d'une offre de dialogue faite par l'émir du Qatar, cheikh Tamim Ben Hamad Al Thani, qui a toutefois rejeté tout «diktat». La Turquie est dans une position inconfortable : Ankara entretient de bonnes relations avec Doha et ses voisins. Ainsi, comment ménager le chou et la chèvre ? Depuis le début de la crise, Ankara tente de jouer un rôle de médiateur entre les différentes parties, mais sa prise de position sans ambiguïté en faveur du Qatar a réduit sa marge de manœuvre. Ankara dispose d'une base militaire dans l'émirat gazier. La Turquie envoie, ainsi que l'Iran, des cargaisons de denrées alimentaires par voies aérienne et maritime au Qatar depuis le début de la crise. Comme Doha, Ankara est souvent accusé de soutenir divers groupes issus de la mouvance des Frères musulmans dans les pays arabes. Avec la victoire des «Frères» dans le sillage des révoltes arabes de 2011, le Qatar a espéré pouvoir modifier le jeu des alliances dans le Golfe. Ambitions hors des frontières Il a cherché à renforcer sa position isolée au sein de la Ligue arabe en misant sur une alliance avec l'Egypte de Mohamed Morsi ainsi qu'avec la Turquie de R. T. Erdogan. En Libye, Ankara et Doha ont soutenu le gouvernement de salut national, alors dominé par les islamistes, contre celui issu du Parlement élu en juin 2014 et replié depuis à Al Baïda, dans l'est du pays. De même qu'ils ont pris position en faveur du président égyptien, Mohamed Morsi, qui, issu de la confrérie des Frères musulmans, a été destitué en 2013. Ils s'opposent au maréchal Al Sissi, qui dirige désormais l'Egypte, soutenu par Riyad. Concernant la Syrie, les deux capitales souhaitent le départ de Bachar Al Assad. Et quand, le 15 juillet 2016, Ankara a déjoué une tentative de coup d'Etat, l'émir du Qatar, Tamim Ben Hamad Al Thani, a appelé le président turc, Recep Tayyip Erdogan, pour lui apporter son soutien. Le 22 juin dernier, l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l'Egypte soumettent à Doha une liste de 13 points à satisfaire, parmi lesquels la fermeture de la chaîne Al Jazeera, la réduction de ses relations avec l'Iran et la fermeture de la base turque au Qatar. Liste rejetée le 4 juillet par le ministre qatari des Affaires étrangères, cheikh Mohammed Ben Abderrahmane Al Thani, la qualifiant d'«irréaliste et irrecevable». «Elle ne porte pas sur le terrorisme, elle appelle à mettre fin à la liberté d'expression», a-t-il relevé. Le 14 du même mois, Ankara et Doha ont exclu la fermeture de la base militaire turque au Qatar. «Nous répétons qu'il est inacceptable que la fermeture de la base turque fasse partie de ces demandes», a déclaré le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusoglu, en visite ce jour-là dans l'émirat gazier. Quant aux accusations portées par l'Arabie Saoudite et ses alliés contre Doha, il a observé que «si des torts ont été commis, des preuves doivent être présentées». De son côté, le ministre des Affaires étrangères qatari a indiqué à cette occasion que «les accords que le Qatar a conclus ne sauraient être remis en cause tant qu'ils respectent la loi internationale. Aucun pays n'a le droit de soulever la question de la base turque et la coopération militaire entre le Qatar et la Turquie du moment que cette coopération se déroule dans le respect de la loi internationale». Cheikh Mohammed Ben Abderrahmane Al Thani a en outre affirmé que les accusations de Riyad et ses alliés contre Doha «s'appuient sur des fabrications de médias et non pas sur des faits susceptibles de justifier les mesures prises contre le Qatar (…). Ces pays n'ont présenté au Qatar aucune preuve à l'appui de leur allégation de son soutien au terrorisme». Ceci dit, la région du Golfe a toujours suscité des convoitises. Et dans les jeux d'alliance, il est impératif de ménager le requin ou du moins domestiquer la grenouille à défaut de la dévorer.