L'usine Sovac Production, en partenariat avec le groupe Volkswagen, sera inaugurée demain, 27 juillet, en présence du patron de la marque volkswagen, Herbert Diess. Dans cet entretien, le PDG du groupe Sovac, Mourad Oulmi, considère la présence du patron de la marque allemande en Algérie comme un «engagement sérieux pour ses projets dans la région». Pour le premier responsable de Sovac, l'objectif du groupe n'est pas le montage automobile, mais la fabrication de la pièce de rechange qu'il compte exporter, en grande partie, dans les marchés européens. Il estime que pour bâtir une véritable industrie automobile, il faut au moins une dizaine d'années. Pour ce faire, il faut, selon Mourad Oulmi, construire tout un écosystème pour accompagner cette industrie. Il annonce à ce titre la construction, autour de son usine à Relizane, d'ici 2019, d'un grand village industriel (une dizaine de hangars), une zone d'activités avec toutes les commodités. - L'usine Sovac Production sera inaugurée demain. Est-ce que tout est fin prêt pour ce grand projet tout attendu ? On est prêts, puisque les véhicules ont commencé à être produits et tous les tests de qualité ont été validés. Et puis, on a déjà un certain nombre de véhicules qui sont dans nos parcs. Le choix de cette date s'est fait en fonction de la disponibilité des responsables de Volkswagen. Pour eux, cet événement est très important. Le fait que le président de Volkswagen, Herbert Diess, lui-même vienne procéder à l'inauguration de notre usine à Relizane juste après sa semaine de détente, cela dénote de son engagement et de son sérieux dans ses projets dans la région. Les Allemands sont très pragmatiques et si le président se déplace, c'est un message. Il ne se déplace pas pour 2 ou 3000 véhicules. Volkswagen est n°1 mondial, il fabrique plus de 10 millions de véhicules par an. Pour nous, même si on fabrique 100 000 véhicules, c'est à peine 1% de la production mondiale. Bien sûr, on ne va pas atteindre tout de suite 100 000 véhicules, il faut attendre peut-être cinq ans. Aujourd'hui, on représente à peine 0,1%. Mais, c'est déjà quelque chose. Alors, si le président de volkswagen se déplace jusqu'ici, c'est qu'il a des projets qu'il a envie de développer ; il cherche une plateforme. Il veut des opportunités en Algérie, en Afrique. Maintenant, c'est à nous de savoir ce que l'on veut. En tant que chef d'entreprise algérien, je veux que mon pays se développe, que notre activité se développe davantage dans notre domaine. On a acquis plus de 20 années dans l'expertise automobile, et la vraie valeur ajoutée de notre entreprise, on va la récolter maintenant. C'est quoi l'objectif ? La fabrication ou le montage de véhicules, c'est juste un moyen pour nous. Ce qui nous intéresse, c'est la pièce de rechange et on ne le fera pas que pour le marché local. Parce que le marché local, il faut le situer dans son contexte. L'industrie automobile, c'est plus de 90 millions de véhicules produits durant l'année 2016. Pour le marché algérien, cela représente 0,4%. Mais, en face de nous, nous avons l'Europe qui produit plus de 20 millions de véhicules. C'est un véritable marché. C'est pourquoi notre objectif est de transformer notre entreprise d'importatrice de véhicules en entreprise exportatrice de pièces de rechange. C'est le but recherché dans une première étape. dans une seconde étape, inspecter d'autres marchés, parce que l'Algérie a signé des accords de libre-échange arabe. C'est plus facile pour nous de commercialiser la pièce de rechange en Europe que de le faire en Chine ou en Asie du fait, d'une part, de la proximité du vieux continent et, d'autre part, des accords de libre-échange que l'Algérie a paraphés. En plus, vous avez aussi le transport. Les constructeurs font des appels d'offres pour l'achat de la pièce de rechange tous les trois ans, et je pense que l'Algérie a des atouts à faire valoir dans ce domaine. Il n'y a pas de raison que le Maroc et la Tunisie exportent à eux deux plus de 10 milliards de dollars, et que nous nous soyons incapables de le faire. Aujourd'hui, l'Algérie a une opportunité, elle a une chance d'abriter sur son sol le numéro 1 mondial de l'automobile. Volkswagen produit plus de 10 millions de véhicules, avec un chiffre d'affaires de plus de 240 milliards de dollars. Cela veut dire que c'est une entreprise qui peut acheter au moins une centaine de milliards de dollars de pièces de rechange. Cette grande entreprise pourrait être un client de demain chez nous, et ce sera à nous de dire ce qu'on veut ! Si l'on rate cette occasion, il ne faut plus qu'on parle d'industrie ou de pièces de rechange. Mais mon partenaire et moi sommes disposés, il faut juste que les pouvoirs publics suivent. - Cette inauguration intervient dans un contexte de vive polémique sur le type de montage automobile, et le nouveau ministre a décidé de revoir le cahier des charges. Est-ce que cela n'a pas eu d'incidence sur votre projet ? Non. Parce qu'on est déjà une entreprise professionnelle. Nous avons une expertise dans le domaine de l'automobile de plus d'une vingtaine d'années. Nous ne sommes pas arrivés dans le montage de véhicules du jour au lendemain. Pour nous, c'est un processus qui a démarré depuis une quinzaine d'années. On travaille avec le numéro 1 mondial qui est dans notre projet actionnaire capital. C'est vrai qu'il y a eu une polémique, et je suis d'accord avec ce que dit le nouveau ministre de l'Industrie. Je partage sa vision, sa stratégie et ses propos. Pour moi, et je le dis clairement, nous avons trois projets sérieux. Le projet du MDN avec Mercedes, Renault production et Sovac avec Volkswagen. Je ne me sens pas concerné par les propos du ministre de l'Industrie. Comme on vient de commencer, on ne peut pas porter un jugement sur nous. Pour bâtir une véritable industrie automobile, il faut une dizaine d'années et il faut discuter avec les constructeurs. La pièce de rechange, c'est une propriété intellectuelle du constructeur. A la base, c'est lui qui la dessine, c'est lui qui met son label. Une partie est fabriquée chez lui et une partie il la donne à des sous-traitants. Si vous voulez vendre de la pièce, il faut s'adresser directement aux constructeurs. Vous avez un constructeur qui est là, vous allez discuter avec lui gagnant-gagnant. Pour ma part, je profite de la présence du président de volkswagen qui sera là pour l'inviter à une discussion pour des négociations. Je lui parlerai des avantages qu'offre l'Algérie. Je suis l'ambassadeur de mon pays, mais à un moment donné, il faut que les pouvoirs publics prennent le relais, de dire ce qu'ils veulent. Renault, quand il s'était installé au Maroc, était-ce le roi qui avait négocié ? C'était le Premier ministre marocain qui s'était déplacé lui-même chez Renault. Pour nous, on n'a pas dit qu'il faut aller jusqu'en Allemagne. Il est là, et la moindre des choses, il faut aller discuter et négocier. - Le nouveau ministre de l'Industrie a, dans ses déclarations, parlé de «failles» dans le cahier de charges… Le gouvernement doit avoir une stratégie, une vision dans lesquelles on doit tous nous inscrire. Le cahier des charges doit répondre à cette vision. Je ne dirais pas qu'il faut revoir totalement ce cahier de charges, mais il faut l'enrichir et l'améliorer. Il y a eu une première initiative, c'est le premier cahier des charges qui a été élaboré par un ministère. Dans le taux d'intégration, il faut, à mon sens, prendre en considération l'exportation de la pièce de rechange. Personnellement, je ne me sens pas donc concerné par polémique puisque notre usine n'a même pas commencé à produire. - Pour bâtir une véritable industrie, il faut selon vous créer tout autour un écosystème. Quelles sont, selon vous, les conditions pour y arriver ? On ne peut pas créer une industrie tout seul. On doit s'associer avec les constructeurs automobiles. Quand on parle de l'industrie automobile, la voiture, elle, est identifiée. Elle a un logo, ce n'est pas un produit générique. Pour bâtir une industrie automobile, vous devez utiliser un label, celui du constructeur. Pour le choix du constructeur, il doit être celui avec lequel on partage les mêmes intérêts et les mêmes enjeux. Pour notre cas, on peut être le lien entre les constructeurs et le gouvernement. - Des experts estiment aujourd'hui que les montages dans leur forme actuelle risquent de connaître des difficultés s'ils ne passent pas à des volumes importants et une intégration pouvant permettre leur équilibre. Qu'en pensez-vous ? Pour bâtir une industrie automobile, il faut, comme je viens de le dire, une dizaine d'années. On doit passer par plusieurs phases : le SKD, le MKD et le CKD. Ça se passe ainsi dans le monde entier. Il ne faut pas brûler des étapes. Il faut de la patience et se fixer un objectif précis. Pour nous, c'est d'être exportateurs de pièces de rechange. Le gouvernement doit, à mon sens, faire une sélection. Savoir quelles sont les entreprises qui sont sérieuses. - Quel a été l'apport du constructeur dans votre grand projet ? Ses supports sont la construction, la formation et l'organisation. Le constructeur suit le projet du début jusqu'à la sortie de la première voiture. Et puis, autre chose, il nous donne l'autorisation de mettre un label. Le numéro de châssis qui sort de l'usine de Relizane, c'est un numéro de châssis algérien. Il a le label «Made in Algeria». Si le constructeur a accepté de mettre ce châssis avec des valeurs algériennes DZ, c'est qu'il pense déjà que la première étape est déjà amorcée. L'usine de Relizane est inscrite dans la cartographie de Volkswagen. - Ce projet entre donc la stratégie du constructeur qui s'est engagé d'ailleurs à accompagner le groupe Sovac. Quels sont jusque-là les équipementiers qui ont intégré l'usine ? Aujourd'hui, il n'y a aucun équipementier mais il y a tout un processus qu'on est en train de mettre en place. On a déjà intégré l'entreprise de logistique espagnole, Sésé, qui est un assembleur de pièces de rechange. Et puis, on a déjà commencé à discuter avec un certain nombre de sous-traitants. En fait, ce n'est à moi de les dissuader à venir, c'est le constructeur. Par ailleurs, on a déçu le vice-président de Seat chargé des achats avec lequel on a mis en place une task force. Il faut du temps pour construire cet écosystème autour de l'usine. Mais, on est en train de bâtir un grand village industriel (une dizaine de hangars), une forme de zone d'activités avec toutes les commodités.