Alors que le gouvernement italien vient de donner son feu vert à la marine italienne pour envoyer des navires dans les eaux territoriales libyennes, le chef du gouvernement libyen d'Union nationale, Fayez Al Sarraj, dément officiellement avoir «sollicité une telle mission» et affirme que «la souveraineté libyenne est une ligne rouge que nul ne doit franchir». Le chef du gouvernement italien n'a pas hésité à commenter les déclarations d'Al Sarraj, affirmant que cette mission représenterait «une contribution significative pour le renforcement de la souveraineté de la Libye et non pas une initiative contre celle-ci». Les Italiens, déçus d'avoir été exclus de la récente rencontre de Paris entre les deux adversaires politiques libyens, Fayez Al Sarraj et Khalifa Haftar, sont-ils allés trop vite en besogne en annonçant avoir «reçu une demande de Tripoli pour envoyer des navires militaires dans les eaux libyennes afin de bloquer les flux d'immigrés» ? Il est vrai qu'après avoir été l'invité du président français, Emmanuel Macron, organisateur de la rencontre entre le chef de l'armée, Khalifa Haftar, et Al Sarraj, ce dernier avait fait une halte à Rome. Suite à cette visite, les responsables italiens ont fait savoir que la marine de leur pays était prête à s'engager dans les eaux libyennes avec un contingent de militaires (entre 900 à 1000 hommes), précisant que c'est le chef du gouvernement d'entente libyen lui-même, qui a sollicité une telle intervention militaire. Quelques heures après, un communiqué officiel, repris par les médias libyens, a infirmé, par la voix d'Al Sarraj, cette demande : «Ces informations sont infondées et visent à miner l'accord de Paris», expliquant que sa délégation a demandé uniquement que «le programme d'appui aux gardes-côtes (libyens), par la formation et l'armement de manière à leur permettre de sauver les vies des migrants et de faire face aux organisations criminelles, soit complété». Le ministère des Affaires étrangères libyen a, quant à lui, précisé que la coordination navale pour lutter contre les passeurs pourrait exiger «la présence de navires italiens dans le port de Tripoli uniquement dans ce but et seulement si nécessaire», selon ce que les médias officiels libyens ont rapporté jeudi soir. Mais les autorités italiennes persistent et signent, et indiquent le contenu d'une lettre qu'Al Sarraj aurait envoyée, les jours précédents, à son homologue italien. «C'est une opération de soutien (aux gardes-côtes libyens) et non pas contre. Nous n'avons approuvé que les requêtes qui nous ont été adressées. Ni plus ni moins», a notamment déclaré le président du Conseil italien, Paolo Gentiloni, à l'issue du Conseil des ministres tenu pour examiner la question. Le Parlement italien devra se prononcer, mardi prochain, sur cette mission délicate et qui a déjà déclenché des polémiques avant son commencement. L'Exécutif de Gentiloni a besoin d'une forte majorité pour faire passer cette opération et lui conférer un caractère légitime, ce qui ne devrait pas être difficile, vu que les partis politiques italiens, se faisant l'écho de l'opinion publique italienne, sont prêts à avaliser n'importe quelle opération susceptible de réduire l'intensité des débarquements de réfugiés sur les côtes italiennes. Rappelons qu'en 2017, selon le Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations unies (HCR), entre le 1er janvier et le 30 juin 2017, 83 731 réfugiés sont arrivés sur les côtes italiennes. Comment réagira le gouvernement libyen à cette mission dont les modalités et les règles n'ont pas été, vraisemblablement, concordées avec les autorités du pays nord-africain et ses voisins ?