La France compte "créer dès cet été en Libye des hotspots", des centres d'examen pour les candidats à l'asile, a annoncé jeudi le président Emmanuel Macron. "L'idée est de créer en Libye des hotspots afin d'éviter aux gens de prendre des risques fous alors qu'ils ne sont pas tous éligibles à l'asile. Les gens, on va aller les chercher. Je compte le faire dès cet été", avec ou sans l'Europe, a-t-il ajouté, en marge d'une visite d'un centre d'hébergement de réfugiés à Orléans (centre). "Je veux envoyer des missions de l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) dans les hotspots italiens et je suis prêt à en envoyer en Libye", a-t-il précisé, évoquant aussi la possibilité de créer de tels centres au Niger. "Les autres pays européens sont très réticents, on essaiera de le faire avec l'Europe, mais nous la France on le fera", a-t-il ajouté. "Il faut cependant que les conditions de sécurité soient réunies, aujourd'hui elles ne le sont pas", a nuancé l'Elysée, expliquant que "le but est d'assurer un pré-traitement des demandes, plutôt que de laisser les gens traverser la Méditerranée au risque de leur vie". "On a entre 800.000 et un million de personnes en Libye, dans des camps, des hangars, ça ne relève même pas de l'humanité minimale", a encore dit le président, soulignant la nécessité de "stabiliser la Libye". Emmanuel Macron était venu rencontrer dans un centre d'hébergement provisoire deux familles qui ont obtenu il y a quelques mois le statut de réfugiés, l'une venue d'Alep, en Syrie, l'autre venue de Brazzaville, au Congo. Il en a profité pour réaffirmer avec force la distinction qu'il veut souligner entre les demandeurs d'asile et les migrants économiques. "Il n'existe pas de pays qui peut accueillir tous les migrants économiques", a-t-il déclaré, après avoir assisté à une cérémonie de naturalisation de trois personnes.
La France ne veut pas prendre le leadership en Libye La France n'a pas l'intention de prendre un hypothétique leadership en Libye, a affirmé jeudi à Rome la secrétaire d'Etat aux Affaires européennes Nathalie Loiseau, après la réunion mardi près de Paris des deux frères ennemis libyens. "L'idée n'est pas de prendre un hypothétique +lead+ sur une résolution de la situation libyenne", a déclaré devant la presse Mme Loiseau à l'issue d'une rencontre à Rome avec son homologue italien Sandro Gozi. Il s'agit de "prendre notre part dans l'urgence de la résolution d'une crise qui fait beaucoup de dégâts en Libye et a beaucoup de conséquences en Europe", a-t-elle ajouté. Le président français Emmanuel Macron a réuni mardi près de la capitale française les deux principaux rivaux libyens, le civil Fayez al-Sarraj et le militaire Khalifa Haftar, provoquant des interrogations en Italie, pays en première ligne dans la crise libyenne. Le ministre italien des Affaires étrangères, Angelino Alfano, avait ainsi réaffirmé mercredi, à l'issue d'un entretien avec son homologue français Jean-Yves Le Drian, "l'importance que toute future initiative sur la Libye soit reconduite dans le cadre des Nations unies". Concernant les "hotspots" que la France veut ouvrir en Libye et au Niger, la secrétaire d'Etat française a précisé qu'il fallait aussi vérifier "si et comment" cette opération sera possible, en liaison avec le Haut-Commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR) et l'Organisation internationale des migrations (OIM). Ce travail d'orientation des migrants avant la traversée de la Méditerranée est une "manière d'éviter un désastre humanitaire", a encore souligné Mme Loiseau, pour qui ce trafic de migrants est une forme de "traite moderne absolument inhumaine".
Tripoli demande l'aide italienne dans les eaux libyennes D'autre part, le chef du gouvernement italien Paolo Gentiloni a déclaré mercredi que son homologue de Tripoli, Fayez al-Sarraj, lui avait demandé l'aide de navires italiens dans les eaux territoriales libyennes pour lutter contre les trafiquants d'êtres humains. M. Sarraj "m'a envoyé une lettre pour demander au gouvernement italien un soutien technique avec des unités navales italiennes dans la lutte commune dans les eaux libyennes contre les trafiquants d'êtres humains", a déclaré M. Gentiloni à la presse à l'issue d'une rencontre à Rome avec le chef du gouvernement d'entente nationale (GNA), reconnu par la communauté internationale mais qui peine à asseoir son autorité en dehors de Tripoli. Cette requête des autorités de Tripoli "est à l'examen du ministère de la Défense et les options seront examinées avec les autorités libyennes et le parlement italien", a poursuivi M. Gentiloni. Si l'Italie répond positivement à cette demande "comme je crois qu'il est nécessaire de le faire, cela peut représenter une nouveauté très importante dans la lutte contre le trafic d'être humains", a conclu M. Gentiloni. Un accord entre les autorités de Tripoli et le gouvernement de Rome permettant l'intervention d'unités navales italiennes dans les eaux territoriales libyennes permettrait vraisemblablement de réduire énormément le flux de migrants partant des côtes libyennes. "Il faut faire encore plus pour que nos gardes-côtes soient en mesure de combattre l'immigration clandestine et faire en sorte que nous disposions de technologies avancées pour contrôler nos côtes", a pour sa part déclaré Fayez al-Sarraj. "Je souhaite qu'on se concentre sur le contrôle des frontières sud (de la libye) de sorte qu'on parvienne à faire rentrer les personnes déplacées dans leur pays d'origine", a-t-il ajouté. Selon les derniers chiffres de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), 111.514 migrants et réfugiés sont arrivés en Europe par la mer depuis le premier janvier, dont près de 93.500 en Italie. Plus de 2.360 sont morts en tentant la traversée. L'Union européenne s'est engagée mardi à aider davantage l'Italie à faire face à l'arrivée de migrants sur ses côtes. Dans une lettre à M. Gentiloni, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a promis 100 millions d'euros supplémentaires, en plus des 800 millions déjà engagés. Il écrit également qu'une équipe de contact liée à la Commission "s'assurera d'un flux permanent d'informations avec les autorités italiennes et d'une réponse opérationnelle rapide des services de la Commission". La rencontre Gentiloni-Sarraj intervient au lendemain d'une réunion de M. Sarraj avec son principal rival libyen, le général Khalifa Haftar qui contrôle l'est du pays. Au cours de cette réunion à l'initiative du président français Emmanuel Macron, les deux hommes ont "agréé", et non signé, une déclaration en dix points prévoyant, entre autres, un cessez-le-feu et des élections au printemps prochain. Parlant plus tard devant les ambassadeurs italiens à Rome, M. Gentiloni a assuré "suivre avec espérance les développements" de cette rencontre, même si les doutes sont légitimes. Il a ainsi rappelé la réunion entre les deux hommes qui s'est déroulée début mai à Abou Dhabi, sans parvenir à de vrais résultats. Le chef du gouvernement italien a d'ailleurs revendiqué tout le travail réalisé par Rome en Libye, de l'hôpital militaire déployé à l'ouverture de l'ambassade à Tripoli, assurant que "l'Italie est en première ligne dans les activités de stabilisation de ce pays". Le Conseil de sécurité de l'ONU a approuvé jeudi la déclaration conjointe adoptée mardi en France par les deux principaux rivaux libyens pour sortir leur pays du chaos après six ans de conflits internes. Rappelons que le civil Fayez al-Sarraj, soutenu par les Nations unies, et le militaire Khalifa Haftar ont appelé mardi en région parisienne à un cessez-le-feu et à l'organisation rapide d'élections. Les membres de Conseil de sécurité, dont la Russie et l'Egypte (soutiens de Haftar), ont salué dans un communiqué le geste des deux rivaux, et leur déclaration conjointe. "Les membres du Conseil poussent tous les Libyens à soutenir une solution négociée, une réconciliation nationale, et un cessez-le-feu immédiat, comme l'appelle la déclaration", explique le communiqué de l'ONU.