La rencontre gouvernement, UGTA et patronat s'est tenue hier au palais du Docteur Saadane à Alger. Elle s'est déroulée dans l'intimité absolue de ses acteurs. La presse n'y était pas invitée. Pourtant, il ne s'agissait pas de secret d'Etat, ni de la mise sur orbite d'un spoutnik, mais juste de fixer la date et le lieu du déroulement de la prochaine tripartie prévue, selon un communiqué laconique diffusé hier par l'agence officielle (APS), le 23 septembre à Ghardaïa. Après avoir été agitée plusieurs jours durant par une grave scène de ménage entre le Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, et le patron du Forum des chefs d'entreprise, Ali Haddad, soutenu par le secrétaire général de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA), Abdelmadjid Sidi Saïd, l'opinion aurait eu au moins droit à quelques explications. Le gouvernement et ses partenaires ont préféré que rien ne se sache de ce qui s'est réellement passé au-delà des murs de son palais. Mais tout porte à croire que les uns et les autres ont dû calmer leurs ardeurs. Abdelmadjid Tebboune en premier ; car c'est lui qui a ouvert les hostilités en faisant savoir à l'opinion publique qu'il traduisait dans les faits ce qu'on pourrait qualifier de «la volonté de la présidence de la République d'éloigner l'argent de la politique». Cela n'a été finalement qu'un orage d'été, une «tempête dans un verre d'eau», selon les mots utilisés par le secrétaire général du parti du Front de libération nationale (FLN), Djamel Ould Abbès. Des pans de l'opinion ont pensé à une guerre de repositionnement qui s'inscrirait dans l'optique de l'élection présidentielle de 2019. Si l'affaire Haddad a amusé la galerie pendant un temps, que les uns ont certainement tiré profit de la situation et les autres forcément la leçon, l'Algérie et le peuple qui ont regardé le spectacle avec amusement et beaucoup d'inquiétude ont eu tout à perdre. La fausse guerre entre le Premier ministre et le patron des patrons, auquel s'est allié le secrétaire général de l'UGTA, lève ce qui reste du voile sur l'échec patent de ceux qui gouvernent le pays depuis plusieurs années. Même si l'on ne se fait aucun doute sur la déliquescence atteint par la gestion des affaires de la collectivité, le bras de fer entre les certains membres de «la famille» régnante, qui a visiblement fini dans l'arrangement, ne manquera certainement pas d'impacter la vie publique. Après être parti faire la guerre à ce qu'il croit le symbole de l'intrusion de l'argent dans la politique, le gouvernement a décidé finalement de «regagner ses pénates», non sans incidences bien évidemment sur les actes qu'il entend entreprendre en matière de politique économique et sociale. Voulant peut-être se donner quelque crédibilité pour convaincre le peuple d'adhérer à l'austérité qu'il lui prépare dans la prochaine loi de finances, et ses contrecoups certains sur le pouvoir d'achat, le Premier ministre va apprendre à ses dépens qu'il s'est totalement trompé de voie. Il a dû même en faire plus qu'il ne lui a été demandé. Et le moins que l'on puisse dire, à l'issue de la rencontre d'hier, que dans le bras de fer qui l'a opposé au patron de l'ETRHB et au secrétaire général de l'UTGA, c'est lui qui en sort perdant. L'action de son gouvernement ne le sera pas moins. Peu importe les interprétations que l'on peut donner aux événements de ces derniers jours, lutte de clans, guerre de repositionnement, ou juste une incompatibilité d'humeur, Abdelmadjid Tebboune a sûrement perdu la main, et la crédibilité de l'action gouvernementale à laquelle il a tenté d'imprimer une façon de faire. Quelle fiabilité peut avoir désormais sa parole ? Le peu que l'on puisse dire et qu'il est définitivement fragilisé pour pouvoir peser ou marquer son territoire dans le prochain dialogue social dont la teneur sera débattue fin août prochain lors de la préparation de la tripartite du 23 septembre.