Après plus de trois semaines de détention, jugée « arbitraire » par les avocats, les dix prévenus laissés en liberté durant l'instruction ont finalement retrouvé leur liberté, lundi soir, après que la chambre d'accusation ait statué en leur faveur. Ils avaient été placés sous contrôle judiciaire durant toute l'instruction, avant de se présenter la veille du procès, le 5 novembre dernier, devant le procureur général près la cour d'Oran, pour être mis en détention, en application de l'ordonnance de prise de corps, comme le stipule l'article 137 du code de procédure pénale. Pour les avocats, « cette décision n'est que justice rendue à ces prévenus, qui ont été victimes d'une détention abusive ». Au lendemain de l'ouverture du procès, le 9 novembre dernier (et son renvoi à une date ultérieure), les avocats ont réagi en déclarant : « Si cette prise de corps, comme le précise l'article 198 du code de procédure pénale, conserve sa force exécutoire contre l'accusé détenu jusqu'au prononcé du jugement par le tribunal criminel, elle ne peut se substituer à un mandat de dépôt au cas où l'affaire est renvoyée à une autre session. La personne doit être alors immédiatement remise en liberté et donc retrouver son statut antérieur, en attendant la prochaine session. » Or, ont-ils expliqué, ce ne fut pas le cas pour les dix prévenus, lors du renvoi du procès de l'affaire BCIA par le tribunal criminel d'Oran. Au lieu d'être remis en liberté, dès l'annonce de l'ajournement du jugement de l'affaire, ils ont été maintenus en détention, pour être privés de leur liberté pendant 22 jours. « Le maintien inacceptable en détention de 10 personnes venues en toute confiance accomplir un acte de procédure montre à l'évidence le dysfonctionnement de l'appareil judiciaire au niveau de la cour d'Oran », ont noté certains avocats des prévenus. Pour eux, cette détention « irrégulière » vient s'ajouter à celle des frères Kherroubi Badreddine et Tewfik, lesquels ont, selon eux, obtenu, le 19 avril 2006, par arrêt de la chambre criminelle de la Cour suprême, la cassation de l'arrêt de renvoi du 13 juin 2005, de la chambre d'accusation près la cour d'Oran. « En application de l'article 29 de la nouvelle loi du 20 février 2006, qui a remplacé l'article 119 abrogé du code pénal, qui réduit l'infraction qui avait la forme criminelle en un délit, Kherroubi Badreddine et Tewfik, concernés par ce nouveau texte, devraient être remis en liberté. La mise en œuvre du nouveau texte est d'ordre public et aucune ambiguïté quant à l'exécution de son contenu n'est permise sous peine de se voir exposé, comme coupable de déni de justice. Mais les deux frères sont en détention depuis 37 mois », ont affirmé nos interlocuteurs. Ainsi, l'affaire BCIA semble, à chaque fois, connaître des rebondissements, et son jugement, une fois que le problème de l'exiguïté de la salle d'audience (prétexte évoqué par le parquet général pour justifier le deuxième renvoi), par le tribunal criminel pourrait se heurter, la prochaine fois, à en croire les avocats, à un autre « obstacle juridique », qualifié de majeur. « Il est connu de tous que, conformément aux dispositions de l'article 499 du code de procédure pénale, pendant les délais de recours en cassation, et s'il y a eu recours, jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour suprême, l'exécution de la décision est suspendue », ont déclaré des avocats, avant de s'interroger si devant « cette réserve juridique de taille le tribunal criminel pourra-t-il tenir légalement son audience. Dans ce cas, se posera alors sérieusement le problème de la mise en liberté des accusés toujours en détention en vertu de l'arrêt de renvoi du 13 juin 2005 ». Force est de croire donc que les vices de forme soulevés à chaque fois par la défense risquent de retarder davantage le jugement de cette affaire de dilapidation de denier public, ayant causé à la Banque extérieure d'Algérie (BEA) un préjudice de plus de 13 milliards de dinars et valu le retrait d'agrément et la liquidation judiciaire de la BCIA. Ce scandale porte en fait sur des effets de commerce, tels les traites ou lettres de change avalisées par la BCIA pour être escomptées par la BEA. Il a éclaté en mai 2003, lorsque la BCIA n'était plus en mesure d'honorer ses engagements de rembourser les retraits effectués par les titulaires de comptes à la BCIA auprès de deux agences de la BEA. 57 personnes (des ex-fonctionnaires de la BCIA et de la BEA ainsi que des commerçants), dont 11 en état de fuite, ont été inculpées dans le cadre de cette affaire et en vertu de la nouvelle loi 06-01 du 20 février 2006, relative à la prévention et à la lutte contre la corruption. Le 6 novembre dernier, le procès s'est ouvert au tribunal criminel d'Oran, après plusieurs renvois, mais a lui aussi connu le même sort pour exiguïté de la salle.