La chambre d'accusation a rejeté, hier, les demandes de mise en liberté introduites par la défense de trois prévenus, actuellement impliqués dans l'affaire de l'autoroute Est-Ouest et qui sont en détention depuis plus de cinq mois, a-t-on appris de source judiciaire. Il s'agit en fait des avocats de Mohamed Bouchama, secrétaire général du ministère des Travaux publics, Chani Mejdoub et Addou Tadj Eddine, deux hommes d'affaires représentant les intérêts de certaines entreprises impliquées dans les malversations liées aux marchés de réalisation de l'autoroute Est-Ouest. La défense de Addou Tadj Eddine et de Chani Majdoub a plaidé la mise en liberté de ses mandants, arguant du fait que « Khelladi, la source principale de l'accusation, est aujourd'hui sous mandat de dépôt, ce qui ne constitue plus l'affaire de Chani et de Bouchama, mais celle de Khelladi ». Abondant dans le même sens, les avocats de Mohamed Bouchama et après avoir essuyé, une première fois, le refus d'une mise en liberté auprès du juge d'instruction, ont défendu le principe de la liberté, estimant que le maintien en détention « n'avait plus lieu d'être depuis la mise sous mandat de dépôt » de son accusateur, Mohamed Khelladi, directeur des nouveaux projets, au niveau de l'Agence nationale des autoroutes (Ana). Ce dernier, faut-il le rappeler, était à l'origine de l'éclatement de ce scandale. Durant toutes les étapes de l'enquête préliminaire menée par les officiers militaires de la police judiciaire du DRS (Département du renseignement et de la sécurité), ou de l'instruction, il bénéficiait du statut de témoin, jusqu'au moment où il avait impliqué directement le ministre des Travaux publics, Amar Ghoul, dans cette affaire. La réaction de ce dernier ne s'est pas fait attendre. Une plainte est alors déposée par le directeur général de l'Ana. Cette agence, faut-il le préciser, ne s'est toujours pas constituée partie civile, pour défendre ses intérêts devant le tribunal, étant donné que les malversations, objet du scandale, ont eu pour conséquence, le coût excessivement élevé de la réalisation du kilomètre d'autoroute, supporté par l'argent du contribuable, et surtout des malfaçons et des retards importants dans les travaux. En tout état de cause, les avocats de Bouchama ont défendu « la libération et la réhabilitation » de ce dernier, alors que le parquet d'Alger a plaidé la confirmation de la détention pour l'ensemble des prévenus, estimant que les éléments constitutifs de leur inculpation « ne sont pas uniquement liés » aux révélations de Khelladi. Le magistrat a précisé que Khelladi « est en prison pour les documents retrouvés » suite à la perquisition effectuée à son domicile. Après plusieurs heures de délibéré, la chambre d'accusation a rejeté les demandes des avocats et accepté celle du ministère public. De ce fait, les trois prévenus resteront en prison. A signaler que pour de nombreuses personnes au fait de ce dossier, la décision de la chambre d'accusation était prévisible. « L'affaire est trop importante et ses implications politiques trop compromettantes pour que la mise en liberté soit décidée entre magistrats », nous dit-on. Il est important de révéler, par ailleurs, qu'en dépit du fait que le dossier a trait à la corruption, et qu'il implique des sociétés étrangères, aucun responsable de ces entreprises n'a été cité en tant que corrupteur, sachant que la loi (sur la corruption) ne peut condamner un corrompu sans son corrupteur. Sont-ils exempts de poursuites ? On n'en sait rien. Pour l'instant, tout le monde est convaincu que les responsabilités dans cette affaire sont tellement importantes qu'elles ne peuvent être limitées au seul rang du secrétaire général du ministère des Travaux publics, du directeur des nouveaux projets dépendant de l'Ana, ou celui du colonel Khaled, du DRS, conseiller du ministre de la Justice, et dont le nom a été extirpé du dossier de l'instruction. Huit personnes sont actuellement inculpées dans le cadre de cette affaire. Une d'entre elles, le chef de cabinet et homme de confiance de Ammar Ghoul, a été placée sous contrôle judiciaire, et les sept autres mises sous mandat de dépôt. Il s'agit du secrétaire général du ministère des Travaux publics, du directeur des nouveaux projets de l'Ana, du directeur des nouveaux programmes du ministère des Transports, de trois hommes d'affaires et deux commerçants d'Alger.