Encore une fois l'affaire de la Banque commerciale industrielle d'Algérie (BCIA), dont le procès avait été renvoyé sine-die le 6 novembre 2006 par le tribunal criminel d'Oran, occupe le devant de la scène médiatique. Dix personnes laissées en liberté, durant l'instruction, ont été placées en détention et leur sort ne sera connu qu'après 22 jours de privation de leur liberté, soit le 27 novembre, date de l'examen par la chambre d'accusation près la cour d'Oran, de ce qui aurait pu être réglé spontanément à l'audience du 6 novembre, s'agissant d'une question d'ordre public (exiguïté de la salle), soulevé par le tribunal criminel pour ordonner le renvoi du procès. En fait, les dix personnes placées sous contrôle judiciaire, durant toute l'instruction, se sont présentées la veille du procès devant le procureur général près la cour d'Oran pour être mises en détention, en application de l'ordonnance de prise de corps, comme le stipule l'article 137 du code de procédure pénale. Cependant, les avocats de certains de ces prévenus ont expliqué que « si cette prise de corps comme le précise l'article 198 du code de procédure pénale conserve sa force exécutoire contre l'accusé détenu jusqu'au prononcé du jugement par le tribunal criminel, elle ne peut se substituer à un mandat de dépôt au cas où l'affaire est renvoyée à une autre session. La personne doit être alors immédiatement remise en liberté et donc retrouver son statut antérieur en attendant la prochaine session ». Or, ce ne fût pas le cas pour les dix prévenus lors du renvoi du procès de l'affaire BCIA par le tribunal criminel d'Oran. Au lieu d'être remis en liberté dès l'annonce de l'ajournement du jugement de l'affaire, les dix prévenus ont été maintenus en détention et leur sort ne sera connu qu'après vingt-deux jours de privation de leur liberté, jugée illégale par la défense. Les dix prévenus attendront en prison jusqu'au 27 novembre, jour de l'examen par la chambre d'accusation des motifs du renvoi du procès. « Dysfonctionnement » « Le maintien inacceptable en détention de 10 personnes venues en toute confiance accomplir un acte de procédure montre à l'évidence le dysfonctionnement de l'appareil judiciaire au niveau de la cour d'Oran », ont déclaré certains avocats des prévenus. Pour eux, cette détention « irrégulière » vient s'ajouter à celle des frères Badreddine et Tewfik Kherroubi, lesquels ont, selon eux, obtenu le 19 avril 2006, par arrêt de la chambre criminelle de la Cour suprême la cassation de l'arrêt de renvoi du 13 juin 2005, de la chambre d'accusation près la cour d'Oran. « En application de l'article 29 de la nouvelle loi du 20 février 2006, qui a remplacé l'article 119 abrogé du code pénal, réduit l'infraction qui avait la forme criminelle en un délit, Badreddine et Tewfik Kherroubi, concernés par ce nouveau texte, devraient être remis en liberté. La mise en œuvre du nouveau texte est d'ordre public et aucune ambiguïté, quant à l'exécution de son contenu, n'est permise sous peine de se voir exposé comme coupable de déni de justice. Mais, les deux frères sont en détention depuis 37 mois », ont affirmé nos interlocuteurs. Ils ont précisé que les deux frères Kherroubi, par le biais de leurs avocats, ont saisi le ministre de la Justice, pour demander qu'il soit mis fin à leur « calvaire » à travers uniquement l'application des dispositions du code de procédure pénale, notamment l'article 30. Ainsi, l'affaire BCIA semble à chaque fois connaître des rebondissements, et son jugement une fois le problème de l'exiguïté de la salle d'audience réglé (prétexte évoqué par le parquet général pour justifier le deuxième renvoi), pourrait se heurter la prochaine fois à un autre obstacle juridique, qualifié par la défense de majeur. « Il est connu de tous que conformément aux dispositions de l'article 499 du code de procédure pénale que pendant les délais de recours en cassation et, s'il y a eu recours, jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour suprême, l'exécution de la décision est suspendue », ont déclaré des avocats avant de s'interroger si devant « cette réserve juridique de taille, le tribunal criminel pourrait-il tenir légalement son audience. Dans ce cas, se posera alors sérieusement le problème de la mise en liberté des accusés, toujours en détention, en vertu de l'arrêt de renvoi du 13 juin 2005 ». C'est vraiment un enchaînement de vices de procédure qui ont entaché et qui continuent d'entacher cette grande affaire, comme si quelque part il y avait une volonté de réduire toute chance de connaître la vérité sur les circonstances de ce scandale, qui a causé un préjudice de plus 13 milliards de dinars à la Banque extérieure d'Algérie (BEA) et valurent le retrait d'agrément et la liquidation judiciaire de la BCIA. Ce scandale porte en fait, sur des effets de commerce comme les traites ou lettres de change avalisées par la BCIA pour être escomptées par la BEA. Il a éclaté en mai 2003, lorsque la BCIA n'était plus en mesure d'honorer ses engagements de rembourser les retraits effectués par les titulaires de compte à la BCIA auprès de deux agences de la BEA. 57 personnes (des ex-fonctionnaires de la BCIA et de la BEA ainsi que des commerçants), dont 11 en état de fuite, ont été inculpées dans le cadre de cette affaire et en vertu de la nouvelle loi 06-01 du 20 février 2006, relative à la prévention et à la lutte contre la corruption. Le 6 novembre, le procès s'est ouvert au tribunal criminel d'Oran, après plusieurs renvois, mais a, lui aussi, connu le même sort, pour exiguïté de la salle.