Mille sapeurs-pompiers combattent le feu depuis 8 jours à El Tarf. Dans la bataille, on compte aussi 200 forestiers et des groupes de bénévoles dans les mechtas de l'arrière-pays. L'enfer ! Des températures record près des flammes, mais aussi dans les agglomérations alentour ; jusqu'à 45°C, avec un ciel grisâtre bouché par les fumées et, par-dessus tout, des vents chauds et secs qui coupent la respiration. Les plages n'ont pu contenir le flot des baigneurs venus chercher un peu de fraîcheur. Les établissements hospitaliers ont enregistré de nombreux cas de personnes souffrant de difficultés respiratoires. Les cendres sont retombées partout, celles de la forêt de Bougous ont atterri à El Kala, 35 km plus au nord. Légère accalmie hier. Les vents sont tombés. Il ne reste que 6 foyers en activité, circonscrits certes mais toujours menaçants. Il y a eu 135 départs de feu depuis le 29 juillet, début de ce nouvel épisode catastrophique pour les massifs forestiers de la plus grande wilaya boisée du pays. La plus touchée également selon le ministre de l'Intérieur en visite jeudi dans la région. Les plus anciens se souviennent encore des feux de forêt de 1983, 1990, 1994, de 2003, périodes des grandes sécheresses. Le bilan, provisoire, était, hier à 12h, de 1280 hectares détruits par les flammes. 14 communes des 24 que compte la wilaya ont été touchées, mais c'est dans sa partie orientale, celle où se trouve aussi le Parc national d'El Kala, que les dégâts sont les plus importants. A Bougous, les forêts de Hammam, Medjouda, Doghlef, Oued Ballouta, Kef Nsour et Kef Lahmar, toutes de chêne-liège, ont été ravagées par les flammes. A Om Teboul et El Aïoun, même scénario qu'à Drida, Dey Zitoun, Haddada, Aïn Bergougaïa et oued El Djanane. Les vacanciers en partance ou de retour de Tunisie n'auront plus le splendide paysage qui bordait la route des vacances. Les renforts, nous apprend la cellule de communication de la Protection civile, sont venus des wilayas d'El Oued, Biskra et Souk Ahras. Rien d'autre pour l'instant et aucune intervention de l'ANP comme annoncé par le ministre de l'Intérieur. Toutefois, deux hélicoptères de la Protection civile sont apparus, vendredi vers 10h, au-dessus de la zone montagneuse de Bougous, très difficile d'accès, pour effectuer 7 lâchers. Très efficaces, nous confirme le président de l'APC, qui signale aussi qu'il n'y a eu chez lui que 4 familles qui ont souffert des incendies. On compte une seule évacuation, celle de la maison de repos pour personnes âgées de Rokkaba à Aïn El Assel, commune qui n'a pas non plus été épargnée, mais à un moindre degré, comme El Kala (Braptia et Boumalek), Bouteldja et Asfour. La cause des incendies ? Chacun y va de son explication. Le ministre de l'Intérieur a déclaré, lors de sa visite à El Tarf, que 6 individus suspectés de pyromanie ont été arrêtés : 4 à Annaba et 2 à El Tarf. C'est vrai qu'il faut vite trouver des suspects pour apaiser les esprits et calmer les Algériens qui reprochent aux dirigeants de dépenser l'argent public dans des lubies et des futilités et de pas avoir pris toutes les dispositions, acquisition entre autres de Canadairs, pour protéger ce qu'il reste de couverture forestière du pays. Pour les observateurs avertis, le pyromane, qui ne doit pas être écarté des origines des incendies, n'est pas le principal responsable de la catastrophe. A El Tarf, les forestiers ont noté que les départs de feu avaient aussi pour origine les tranchées pare-feu mal ou pas du tout entretenues, comme celles du transport électrique. Beaucoup de foyers se sont déclarés à partir des nombreuses décharges sauvages et aussi le long des axes routiers. Les pyromanes existent certes, mais c'est le surpâturage, en extension permanente grâce à la rente qui les motive. L'Administration des forêts, qui a la charge de gérer cet inestimable patrimoine, est sclérosée par le rôle que lui ont fait jouer les politiques successives des secteurs auxquels elle a été rattachée. Ses stratégies, ses politiques, ses programmes et ses financements sont figés par l'archaïsme de méthodes que réprouvent aujourd'hui le savoir et la technologie. Pour notre interlocuteur, les massifs de chêne-liège perdus chaque année à cause des incendies sont irremplaçables, à moins d'une volonté politique forte pour les reconstituer. C'est l'avenir de la région replacé récemment, une fois de plus, dans le tourisme qui est oblitéré. Dans quelques années, on ne parlera plus avec éloges des paysages du Parc national d'El Kala déjà très mal en point et proche lui aussi de la disparition pure et simple.