L'été des forestiers est loin d'être terminé. On en est en plein dedans. Au beau milieu. El Tarf. De notre correspondant Tant que ce satané septembre, qui en fait est le plus craint des mois de l'été parce que c'est la période où la végétation est au maximum de sécheresse, tant qu'il n'est pas passé, il faut éviter d'afficher un sentiment de satisfaction. C'est qu'on est un tantinet superstitieux chez les hommes en vert. A cause de certaines légendes encore vivaces chez les anciens, mais aussi parce que rien ne fait plus mal que de voir dévorer par les flammes, pour devenir un tableau sinistre de désolation, une belle forêt de ce magnifique chêne-liège bien de chez nous. Depuis le début de la saison, on a enregistré 90 foyers d'incendie de forêt dans la wilaya d'El Tarf. Ils ont détruit entre 200 et 250 ha — les bilans définitifs ne sont pas encore établis — de végétation forestière dans laquelle il faut faire la distinction entre la forêt, les différents maquis et les broussailles. El Tarf est la plus grande wilaya forestière du pays avec 170 000 ha de domaine forestier qu'il ne faut pas automatiquement assimiler à de la forêt proprement dite. Les plus beaux peuplements se trouvent dans le parc national d'El Kala, essentiellement des aulnaies que l'on trouve dans les dépressions, du chêne-liège en moyenne altitude et du chêne-zen au-dessus de 600 m. Le conservateur des forêts d'El Tarf, Tiar Mohamed, se veut fidèle aux traditions des forestiers. « Il ne faut pas se réjouir avant les premières pluies, mais nous pouvons dire qu'avec seulement 200 ha de perdus, dont 100 de chêne-liège, à la fin d'un mois d'août caniculaire où 47°C sont atteints par endroits, c'est de bon augure. » Une politique intégrée « En fait, ajoute le conservateur, nous avons pu améliorer considérablement les temps et les moyens d'intervention ces trois dernières années. Le secteur, y compris mes prédécesseurs, a pu mettre en œuvre 400 ha de tranchées pare-feu et ouvrir pas moins de 250 km de pistes forestières. Nous avons bénéficié d'équipements dont 20 véhicules neufs, et puis il y a le plus important : la présence en forêt quasi permanente. En plus de l'adhésion des riverains qui se manifestent de nouveau après une période de recul, il y a quelque 1500 personnes du secteur et assimilés comme les ouvriers pour la récolte de liège, ceux de l'exploitation de bois, ceux des plantations pour le reboisement de chêne-liège, qui sont sur le terrain h24 et qui participent à la surveillance, l'alerte et la lutte contre les incendies de forêt. » Cette présence réduit considérablement les temps d'intervention et décourage les pyromanes. C'est vrai que cela cause des dérangements à la faune sauvage mais il vaut mieux pour les animaux d'être dérangés de temps à autre que de perdre définitivement leur habitat. Il y a eu deux ou trois incendies très sérieux qu'il a fallu combattre pendant plusieurs jours avec la plus grande partie des effectifs forestiers, parmi lesquels il faut compter ceux du parc national et ceux de la Protection civile avec sa colonne mobile stationnée qui dispose de huit camions (anti-incendie). Hier, c'était au tour d'El Kala d'être encerclée par les feux qui ont fait grimper le thermomètre bien au-delà des 40°, a annoncé la météo. L'un à l'est, du côté d'El Aïoun, et l'autre à l'ouest, vers Souk Reguibat, il a obscurci le ciel. Pour le conservateur d'El Tarf, « la protection des forêts, notamment là où il y a une aire protégée comme le parc national, c'est toute une politique qui doit intégrer jusqu'à la nature et la culture de ses habitants. Toutefois, sans maîtrise rigoureuse des espaces, sans moyens de lutte suffisants et adaptés au terrain avec lesquels il faut compter les moyens intellectuels, il sera de plus en plus difficile de protéger la forêt méditerranéenne. L'urgence est à la mesure des catastrophes naturelles qui apparaissent et se multiplient avec les changements climatiques ».