Les chômeurs n'auraient plus aucune raison de manifester dans la rue tant la transparence affichée par l'Agence nationale de l'emploi (ANEM) projetterait de la lumière sur ce dossier aussi chaud qu'empreint d'opacité qui a motivé l'émergence du plus long mouvement des chômeurs du pays. Finies les séquestrations de citernes d'hydrocarbures avec menace de s'immoler en emportant tout le monde avec soi, finis les suicides collectifs, mais il ne se passe pas un jour sans qu'un sit-in, une marche, un blocage de route ou d'accès aux instances de l'emploi, notamment l'Anem, ne soit organisé au chef-lieu de la wilaya de Ouargla, dont les chômeurs ont tendance à déplacer leur protestation à Hassi Messaoud s'accaparant les devants de la scène et s'assurant une visibilité directe des principales entreprises pétrolières nationales qu'ils accusent de favoritisme et d'user de subterfuges pour placer le maximum de candidats parachutés lors des recrutements. En plus des chômeurs lambda fatigués par la précarité et l'exclusion, un nouveau collectif vient de voir le jour à Ouargla cet été. Une cinquantaine de chômeurs diplômés de l'université Kasdi Merbah, qui affirment bénéficier de l'adhésion de plus d'un millier de diplômés, battent le pavé devant l'Ensp à Hassi Messaoud depuis trois semaines. Reçus mardi par le chargé de communication du cabinet du wali, ils entament une nouvelle négociation avec les autorités, avec des promesses de dénouement rapide, affirme Abdelhakim Mezzar, leur leader. Pour la seule année 2016, quelque 10 879 offres d'emploi ont transité par les services de l'Anem Ouargla qui a pu placer 6491 demandeurs d'emploi au 31 décembre 2016 dans les différents secteurs d'activités économiques. L'industrie et les services pétroliers se taillent évidemment la part du lion avec 6120 jeunes embauchés sous le régime du CDL (Contrat à durée limitée). Ces chiffres on ne peut plus officiels ne sont pas contestés par les chômeurs. Ce que ces derniers contestent par contre, c'est en fait le reste de l'offre, à savoir les 4388 postes enregistrés par l'Anem et qui n'ont pas bénéficié à la main-d'œuvre locale. Selon les jeunes dans la rue, ces postes leur reviennent de droit. Ils affirment qu'il s'agit là de toutes les offres passées sous le comptoir, celles où les délais sont dépassés, celles ou l'absence de profils qualitatifs serait le prétexte à un recrutement hors wilaya, voire hors Algérie, avec de faux diplômes et de fausses qualifications que personne n'irait vérifier ou contester, bref, celles qui offrent une occasion en or pour placer les pistonnés qui représentent le tiers des recrues dans le secteur pétrolier selon toute vraisemblance. Au même moment, surgit une réalité nouvelle où la problématique initiale de la formation pour les besoins du marché local de l'emploi, pétrolier bien évidemment, offre de nouvelles facettes. Les autres segments de l'activité économique restent les parents pauvres de l'emploi. Le secteur agricole offre bien 339 emplois qu'il demande à l'Anem de pourvoir, celle-ci n'arrive pas à les satisfaire. 0 placement dans l'agriculture l'année dernière. Le BTPH se porte légèrement mieux avec 1389 postes offerts en 2016 et 371 placements, soit 1078 postes vacants dans le bâtiment et 339 autres dans l'agriculture que les jeunes boudent et gardent un œil vigilant sur le quatuor d'or représenté par Sonatrach, Ensp, Entp et Enafor. 53% d'entre eux n'ont aucune qualification et refusent d'aller dans les centres de formation professionnelle même depuis l'avènement de quelques formations dans les métiers pétroliers à partir de 2013. Ils estiment que les sociétés pétrolières doivent les recruter pour les former en guise de compensation sociale pour leurs activités dans la région sud. Exigeant une transparence dans la gestion de l'emploi pétrolier, le mouvement des chômeurs ancré dans la région depuis près de deux décennies a, entre-temps, enrichi son portefeuille revendicatif en nourrissant les débats publics tenus à même le sol dans la rue, chez les franges sociales les plus précaires et les plus défavorisées avec lesquelles il partage un sentiment d'injustice qui remonte à la surface à chaque occasion. De là à imaginer Ouargla sans son mouvement de chômeurs, il y a un pas. L'autolimitation, l'exclusion de toute dimension politique dans leurs revendications, le caractère exclusivement social brandi avant 2013, bien avant l'autre mouvement social du Sud, à savoir l'antigaz de schiste, c'est de l'histoire ancienne. L'effet «surprise» produit par ces jeunes militants semble continuer à vouloir faire entendre parler de lui. Pour Ibek Abdelmalek, «l'expérience du Hirak au Maroc a été instructive sur plus d'un point». Après avoir organisé un Iftar de soutien aux militants du Rif, le Comité de défense des droits des chômeurs de Ouargla estime qu'un nouveau round de revendications politiques est à venir. De nouvelles surprises à la rentrée ?