L'exercice du pouvoir est en train de se réduire à la quête éperdue du consensus. Le mot est dans tous les discours, notamment dans le dernier message présidentiel lu à l'occasion de la Journée du moudjahid. Les quelques semaines que M. Tebboune a passées à la tête du gouvernement n'auront globalement servi qu'à attendre le «feu vert» de la Présidence pour engager le dialogue avec les forces politiques et sociales autour des réformes à lancer dans l'urgence. Comme seule réponse, l'ex-Premier ministre a été informé de son limogeage. Son successeur, Ouyahia, n'a pas encore livré son intention de chercher la solution à la crise hors de l'édifice gouvernemental, mais les dernières orientations présidentielles l'invitent d'ores et déjà à promouvoir le consensus national. Pour mener à bien la «bataille du développement», le chef de l'Etat a appelé, le 20 août, «tous les Algériens et Algériennes, quels que soient leurs postes et fonctions, de mettre à profit toutes les capacités pour relever ce défi». Tous les Algériens sont impliqués dans la gouvernance, peut-on comprendre. Nous sommes vraisemblablement dans un pays où une victoire électorale, traditionnellement écrasante, ne suffit pas pour gouverner. Disposant d'un Parlement majoritairement acquis et d'un Exécutif ignorant toute forme de coalition bancale, le pouvoir en place est incapable de mettre en œuvre son supposé programme de réformes sans en appeler aux associations, aux syndicats, parfois aux partis et, pour finir, aux simples citoyens qui croyaient avoir le seul devoir de payer leurs impôts. Quand un gouvernement refuse de gouverner sans obtenir un consensus politique et social, cela revient à rendre caduques les élections législatives passées et à en préparer d'autres. Ce que le pouvoir appelle la mise en place d'un «consensus national pour relever les défis» a déjà été expérimenté et formalisé par d'autres sociétés à travers les siècles pour asseoir le principe de la démocratie et son corollaire, les élections. Il est plus simple d'organiser une élection, pour désigner par la voie des urnes les équipes dirigeantes, que d'inviter au dialogue des organisations politiques qui ont déjà leur plan post-système en place. Le FFS a réitéré, le 20 août, sa réponse perpétuelle à toute sollicitation du pouvoir, qui consiste simplement en un «processus constituant le passage à la IIe République». S'agissant du dossier qui pétrifie véritablement le pouvoir, à savoir la révision de la politique des subventions aux produits de base, la réplique de l'ancien parti de l'opposition est cinglante et même disproportionnée, puisqu'il assimile la future réforme à une distribution de «cartes d'indigents». Le dialogue ou le consensus auxquels aspire le pouvoir s'inscrivent dans la même logique du statu quo en vigueur dès lors que les partis politiques auront la latitude de s'opposer, «sans engagements», à des réformes qu'ils savent tout autant impopulaires qu'incontournables. Seul un processus électoral régulier peut faire émerger des responsables qui s'engageraient sur un programme et des objectifs. La seule inconnue est la physionomie politique, «actualisée», de la société. L'épisode de la bachelière qui démet symboliquement la ministre de l'Education, portant le projet d'une école moderne, n'est pas rassurant.