Ceux qui avaient misé un dinar sur un baroud d'honneur des footballeurs algériens face à la Zambie ont dû, dès les premières escarmouches, se rendre à l'évidence que le scénario fantasmé allait avoir du mal à se réaliser. Les desseins des Zambiens, alertes et motivés, tranchaient nettement avec un ensemble algérien totalement désarticulé. Et l'issue devenait fatale au fil du temps qui s'égrenait, autant pour les courageux présents au stade de Constantine que pour les millions de paires d'yeux nationaux. Même si le groupe de la mort dans lequel s'était investie l'Algérie ne laissait aucune place à l'à-peu-près et au hasard, le public sportif n'arrive pas à s'expliquer qu'au retour d'un Mondial brésilien flatteur, l'amplitude négative puisse être aussi prononcée entre la pimpante génération 2010-2014 et la petite équipe d'Algérie de mardi soir qu'on avait de la peine à voir prendre des coups sans pouvoir inquiéter l'adversaire. Nous sommes désormais loin des shows blidéens quand la brillantissime équipe, l'ensemble cohérent que les Verts formaient, donnait du plaisir à des populations écrasées par les difficultés quotidiennes. Certains vous diront : «Mais ce n'est que du foot !» Les analystes leur répondent que ce foot en question a pris une telle proportion dans la vie des populations de la planète qu'il en est devenu un véritable phénomène social et économique conditionnant le comportement de centaines de millions de personnes à travers le monde. Il y a des insuccès qui peuvent être acceptés, quand le courage et la combativité ont été mal rétribués par la maladresse ou la malchance. On appelle ça des défaites honorables. Mais la pâle prestation face à la Zambie est de celles, il faut bien le dire, qui portent atteinte au moral national. Crise politique, crise économique, crise sociale (chômage, malvie, pouvoir d'achat en berne, crise du logement, puis revoilà la crise du football qui vient se rappeler, comme c'est l'usage cycliquement, à notre bon souvenir. En fait, ce n'est là qu'un juste retour des choses, puisqu'une tomate saine ne peut le rester longtemps quand tout le cageot est pourri. De nos jours, il y a une transmission de la médiocrité du sommet à la base. Car comment expliquer qu'un ensemble qui a été construit, nous a-t-on fait croire, pour durer ne peut résister aux incohérences et aux errements d'un système hasardeux et flibustier qui place des hommes sans grande qualité ni compétence à des postes stratégiques. Au milieu des années 1970, quand l'ordre politique de l'époque assurait (même si c'était d'autorité) une cohésion politique, économique et sociale et exploitait à bon escient les intelligences qui ont généré et mis en branle de grands projets, le sport n'était pas en reste.
Chaque secteur de la vie active a eu sa réforme appliquée et suivie sur le terrain. La réforme sportive, l'histoire est connue, a donné naissance à de grands pratiquants méritants, dont le seul avantage était de bénéficier d'un statut «d'athlètes de haute performance» et qui étaient rétribués dans la grille des salaires comme cadres d'entreprise. Au cours de cette période, le sport algérien a été dominateur au niveau international dans de nombreuses disciplines. Le football, fleuron de cette réforme, a donné une élite digne de ce nom et a fait la joie des Algériens pendant une quinzaine d'années, enfantant des vagues successives de grands footballeurs fabriqués localement. Que reste-t-il aujourd'hui de cet héritage mal légué ? Il est vrai que dans un pays où tout est importé, le football ne pouvait échapper à cette règle honteusement édictée, imposée et entretenue par le pouvoir en place.