Il faut dire que cette année, la Journée internationale de lutte contre le sida n'a pas ramené que des bonnes nouvelles pour les Algériens. D'abord, par cet esclandre financier, éclaboussant la gestion d'Aids Algérie, une des associations nationales les plus en vue de lutte contre le sida. Une association actuellement sous les projecteurs pour un détournement d'une partie des fonds qui lui ont été affectés par Global Founds (Onusida) pour développer en Algérie des campagnes de prévention et de sensibilisation. Onusida s'est engagée à fournir, d'après la Forem, 9 millions de dollars, dont 2,5 millions de dollars sont déjà dans les caisses des six seules organisations nationales bénéficiaires de ce financement onusien. Ensuite, cette alerte donnée par l'Onu, ses « inquiétudes » face aux ravages que cause la pandémie, davantage en Afrique, où 28 millions de personnes sont contaminées par le VIH, 2,1 millions ont trouvé la mort et 2,8 millions sont nouvellement contaminées. C'est d'El Oued, la ville au mille coupoles, que les hautes autorités sanitaires du pays, représentées par Amar Tou, le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, ont décidé de réitérer, timidement, l'engagement de l'Etat à poursuivre le combat contre cette maladie, dont la découverte remonte tout juste à 25 ans. Au ministre, la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (Forem) offrira une occasion inespérée et de choix pour célébrer, comme à chaque année, convenablement, sans haut fait d'arme, la Journée mondiale contre le sida. Eviter les ruptures de traitement Très active, surtout depuis le 25 novembre dernier, la Forem s'est lancée dans un véritable marathon, à travers plusieurs villes d'Algérie, où il est question surtout de conférences de sensibilisation dispensées aux étudiants, lycéens, et également la formation de médiateurs auprès d'établissements scolaires, de formations professionnelles, etc. La Forem marquera particulièrement son programme (du 25 novembre au 5 décembre) par la participation très remarquée du docteur Mekki Yahia, chercheur distingué à l'institut Edouard Herriot de Lyon (France). L'arrivée du ministre, accompagné du wali d'El Oued et des responsables locaux, dans l'amphithéâtre du nouveau centre universitaire de la ville, a interrompu l'exercice délicat du docteur Mekki. Sa conférence était un mélange savant de rigoureuses vérités scientifiques avec des références théologiques très en phase avec la personnalité du public. Celui-ci était constitué essentiellement de lycéens, des deux sexes, des élèves filles de l'école coranique, tous réquisitionnés à l'occasion, aussi de médecins, de biologistes, de personnalités locales et d'une dizaine d'ophtalmologues venus opérer depuis vendredi gratuitement 300 malades atteints de la cataracte, opération chapeautée par la Forem et financée à hauteur de 28 000 dollars par la Banque islamique pour le développement. Bref, le mot de Amar Tou était destiné en premier à la population d'El Oued, à qui il promettra pour l'année prochaine l'ouverture de la plus importante clinique ophtalmologique de la région. La clinique sera construite par les Cubains. S'adressant au président de la Forem, le professeur Khiatim, le ministre de la Santé dira qu'il était « venu à El Oued célébrer son anniversaire : le 1er décembre ». Une date qu'il fêtera, d'ailleurs, à la résidence du wali, où celui-ci organisa pour les membres et invités de la fondation un dîner de bienvenue. Pour ce qui est du sida et pour un peu répondre aux critiques, Amar Tou annonce que, durant cette année, et comme « promis », 51 centres de dépistage gratuits et anonymes, constituant le réseau national, ont été ouverts à travers toutes les wilayas. « Il y en a même parmi ces dernières qui en possèdent deux », souligne-t-il. Concernant les traitements trithérapies, qui ralentissent la progression de la maladie, connus pour être chers et risqués en cas d'interruption de prise, le ministre, tout en rappelant que c'est l'Etat avec Onusida qui les prend en charge, dira qu'il est impératif de s'organiser davantage pour éviter les ruptures de traitements. Questionné à propos de l'épidémie de typhoïde dans la région d'El Oued, le ministre se refusera à tout propos dans ce sens, arguant du fait qu'il s'était déjà « prononcé sur la question », nous invitant à « chercher la réponse auprès du correspondant local d'El Watan ». Cette épidémie fera, cette année, d'après une source hospitalière, deux morts, dont un jeune étudiant, et deux personnes encore hospitalisées à El Oued. 102 cas de contamination ont été enregistrés, d'après le ministre de la Santé. Amar Tou quittera, en fin de soirée même, la ville d'El Oued, le cadeau d'anniversaire dans les bagages. Lutter contre le Sida… même en pleine mosquée La ville a bouclé, hier, ses deux jours sur le sida, avec en prime une « nouveauté » dans l'approche de la mission de sensibilisation. Après la prière du vendredi, la fondation Forem s'était donné comme mission osée de sensibiliser les cadres et personnalités religieuses au sein même de la grande mosquée de la ville. Le thème de la lutte contre le sida par la prévention fera donc une entrée fracassante, un peu à la manière d'un éléphant dans un magasin de porcelaine, dans cette ville au fort ancrage religieux. « Peut-être une première en Algérie », nous confiera le docteur Sahraoui, responsable à la Forem. Celle-ci, pour s'assurer de l'adhésion des participants et la compréhension surtout du public, s'offrira les services du professeur en sciences islamiques, Kamel Bouzidi, également animateur d'une émission de fatwa à la télévision publique, et du docteur Mekki, qui en est à sa seconde expérience du genre. Au terme de sa conférence, il nous racontera comment, à la mosquée de Lyon, ses cours du vendredi ont a été diversement perçus par les fidèles, partagés entre approbateurs et opposants. « A la fin d'une séance, sur les 24 Algériens qui sont venus me voir, tous des sans-papiers, quatre avaient le virus et l'un d'eux s'est suicidé après que son test s'est révélé positif, les autres sont actuellement pris en charge », raconte le docteur Mekki Yahia. Le spécialiste lèvera, par ailleurs, un pan de voile sur ce qu'il appelle le « drame des émigrés travailleurs », dont certains se refusent à rentrer au pays de peur et de honte de déclarer à leurs proches leur maladie ou de leur inoculer le virus du sida.