Décédé vendredi d'un arrêt cardiaque à Alger à l'âge de 65 ans, le réalisateur Mohamed Bouamari a été inhumé hier au cimetière de Sidi Merzoug, à Ben Aknoun (Alger). A entendre certains de ses amis rencontrés sur les lieux de l'inhumation, il avait rendez-vous, aujourd'hui, au ministère de la Culture pour obtenir une aide financière afin de réaliser un film. Parmi la foule qui a accompagné le défunt à sa dernière demeure, des réalisateurs et comédiens avec lesquels il a partagé des années de labeur, avec leur lot de contraintes et d'embûches. Pour le réalisateur Ghaouti Bendeddouche, la disparition de Bouamari constitue « un séisme qui frappe la citadelle du cinéma algérien : nous avons perdu un grand cinéaste. Ce que je déplore est le fait que nous avions beaucoup de choses à réaliser ensemble. Nous n'avons pas pu les réaliser, vu la situation que traverse le cinéma algérien. J'ai comme l'impression que l'enjeu de l'image est important aujourd'hui. Des étrangers viendront à notre place pour réaliser des images sur notre propre pays. » De son côté, le réalisateur Hadj Rahim rappelle que le disparu a vécu par et pour la culture, mais non sans amertume. Tout au long de son parcours, « il a eu des obstacles. Il a trébuché partout et souffert toute sa vie parce qu'il aimait son métier. D'autres hommes de cinéma vont le suivre en emportant avec eux leurs déceptions. » Le même interlocuteur estime qu'un pays sans culture « n'est pas un pays ». Ainsi, constate-t-il, « des étrangers font des images à leur manière sur l'Algérie. Il n'y a pas beaucoup d'espoir à entretenir, mais il faut continuer à espérer. Quant à Bouamari, ses films ont fait connaître l'Algérie à l'étranger. Il laisse en projet des films, dont Le Mouton ». Le réalisateur Lamine Merbah rappelle que Mohamed Bouamari compte parmi les premiers réalisateurs algériens qu'il a connus. C'était en 1964. « Il m'a hébergé chez lui et nous travaillons nuit et jour. Nous veillons dans sa chambre à écrire et à discuter. C'est dans ces conditions que nous avons travaillé pour réaliser son film L'obstacle », explique-t-il. « Dans mon film L'espoir (1967) qui m'a permis d'obtenir le diplôme de réalisateur, il a tenu le premier rôle. Il a travaillé comme premier assistant réalisateur concernant le film Le vent des Aurès de Lakhdar Hamina. Il a plusieurs projets de film, à l'exemple du Mouton dont j'ai lu le scénario. Il cherche des aides financières pour le réaliser », ajoute la même voix. Pour le réalisateur Belkacem Hadjadj, « il aurait été souhaitable de voir Bouamari revenir dans son pays pour réaliser un film. Ce qu'il n'a pas fait depuis 15 ou 20 ans. Aujourd'hui, malheureusement, nous l'accompagnons au cimetière. Cela traduit la situation catastrophique du cinéma algérien ». Le comédien Saïd Hilmi voit en le disparu un « ami de la culture. Il avait toujours gardé son sourire, malgré les problèmes auxquels il est confrontés ». A sont tour, le comédien Ahmed Benaïssa qui a travaillé avec le réalisateur, notamment pour le film Le Ciel et les affaires, qualifie de « grande perte » la disparition de Bouamari. De son côté, le comédien Sid Ali Kouiret indique : « Avec la perte de Bouamari, c'est le vide qui s'élargit. C'est un réalisateur visionnaire. Avec son film Le Charbonnier (1972), il a mis le doigt sur ce qui se passe actuellement en Algérie ». Notons que Mohamed Bouamari est né à Sétif en 1941. Il a réalisé entre autres Conflits (1964) Le Charbonnier (1972), L'Héritage (1974) et Refus (1982). En 1994, il part à Paris. En 1996, il réalise Nuit.