Le pop art d'Afrique du Nord. Oui, cela existe. Et c'est même l'objet d'une exposition qui se déroule actuellement à Londres, à la galerie P21. Loin d'être une thématique artificielle, l'expo met en avant un mouvement artistique qui émerge effectivement au Maghreb. Une dynamique où l'Algérie n'est pas en reste. Certes, le courant artistique nommé pop art est d'abord apparu aux USA et en Europe durant les années 50', mais l'attitude nouvelle que proposait la bande à Warhol a essaimé au-delà de cet espace et de cette période. Il s'agit en somme de puiser dans la «sous-culture» urbaine et dans les objets du quotidien, des symboles pour en faire un nouveau vocabulaire visuel. Le pop art, c'est souvent drôle, subversif et minimaliste. Le pop art, c'est aussi des œuvres réalisées à la manière des objets fabriquées en série. La définition vaut ce qu'elle vaut. Quoi qu'il en soit, il existe aujourd'hui beaucoup d'artistes qui se revendiquent du pop art à travers un monde aux références uniformisés ou presque. L'exposition Pop Art from North Africa propose une réflexion sur «l'émergence d'une identité locale dans le contexte de conso-mondialisation. Cette idée englobera de manière critique l'interaction avec les marques, icônes et symboliques exportées de la culture occidentale et leur consommation en Afrique du Nord baignant ainsi dans un environnement culturel différent», affirme Toufik Douib qui organise cette rafraîchissante expo avec Nadjlaa El Ageli. Le jeune algérien, qui a étudié le management culturel dans la capitale britannique, et l'architecte libyenne engagée dans la scène artistique joignent leur énergie pour rassembler les œuvres de plus d'une dizaine d'artistes maghrébins apparentés au pop art. On y retrouve de jeunes artistes algériens qui se distinguent déjà sur la Toile, dans la rue et, accessoirement, dans les galeries. El Moustach, Walid Bouchouchi et Sofiane Si Merabet mixent le plus naturellement du monde des signes locaux et des icônes internationales. El 3ou en fait de même sur le plan sonore. Il ne s'agit pas tant de représenter le «dialogue des cultures» ou de prôner un discours. Ce mixage est déjà à l'œuvre dans la société et les artistes prennent les signes qui leur tombent sous la main pour en faire un langage à l'efficacité redoutable. Amel Benaoudia travaille quant à elle sur les supports de la mémoire d'une Algérie qu'elle a quittée à l'âge de 10 ans. Née en Bulgarie, originaire d'Algérie et vivant en Angleterre, Meryem Meg se plîit à subvertir l'imagerie orientalisante dans ses créations graphiques. On citera également le graphiste libyen Alla Badabbus, très présent sur la Toile, qui ose l'humour au cœur des ténèbres que traverse son pays. Abdelali Aït Layadi assaisonne le pop art à la sauce marocaine et en daridja dans le texte. Quant au Tunisien Mohammed Akacha, ses créations baignent dans un univers cartoonesque souvent délirant peint sur des objets du quotidien… Issus des pays du Maghreb et de la diaspora, les artistes s'approprient et réinventent chacun à sa façon l'approche pop art de la création graphique. Rarement dans l'imitation (même si l'on retrouve par exemple des portraits de Marylin ou des emballages iconiques), nos artistes ont d'abord la préoccupation d'être directement compris par leur public éclectique, celui de la Toile et de la rue. «En prospectant les artistes à exposer, nous nous sommes rendu compte de la complexité du sujet, déclare Toufik Douib. Les œuvres sélectionnées puisent dans un fonds commun de traditions et symboliques, par exemple des images spécifiques à la région (tarbouche, main de Fatma…) tout en accentuant, par ailleurs, la nostalgie à travers les références collectives aux croyances, à l'histoire, aux coutumes…». L'exposition est aussi un hommage aux pionniers de la pop, rappelle Douib. En effet, 2017 coïncide avec le double anniversaire des 30 ans de la disparition d'Andy Warhol et des 20 ans de Roy Lichtenstein. A voir donc si vous être du côté de Londres. Les organisateurs souhaitent que l'exposition voyage dans les pays représentés. Une bien bonne idée qui devrait intéresser le MaMa…