Un marché libéralisé ne peut fonctionner sans “règles du jeu”. Pour vérifier que celles-ci sont bien respectées, des autorités officielles et autonomes ont été créées depuis 1990 pour assumer en lieu et place de l'Etat une mission générale de surveillance et de contrôle de l'application des nouvelles dispositions législatives et réglementaires régissant les divers domaines de l'activité économique. Pour l'Etat, la rupture avec l'ancien mode de gestion de l'économie devait se traduire sur le terrain par un transfert de pouvoirs en direction de ces autorités qui réguleront le marché, ouvert à la concurrence. Dans le cadre de leur mission, ces régulateurs exercent diverses fonctions. Ils veillent à ce qu'un accès non discriminatoire soit garanti à tous ceux qui veulent exercer une activité commerciale soumise à la concurrence (énergie, télécommunication, banque, bourse, assurances...) et même sous monopole (électricité) et s'assurent que les mécanismes prévus par la réglementation soient respectés (notamment les obligations des fournisseurs et des gestionnaires en matière de sécurité, de régularité, de qualité, de prix de la fourniture, etc.). Il apparaît, à l'évidence, que les domaines d'intervention de ces régulateurs est vaste et englobe presque tous les secteurs de l'économie. Leur rôle dans un tel contexte est déterminant dans l'organisation générale et l'encadrement de cette économie ouverte. Ce rôle éminemment important va de la protection du consommateur dans toutes ses déclinaisons (client, épargnant, déposant, investisseur…), d'une manière générale, à la protection des prestataires de services qui doivent évoluer dans un environnement concurrentiel sain et transparent. L'objectif étant de parvenir à instaurer l'efficacité économique. Il va sans dire que l'Etat, qui s'est inscrit dans une logique libérale, même si elle est formelle, diront certains, a été jusqu'au bout de sa volonté puisqu'il a même transféré à ces régulateurs ses compétences en matière d'attribution et de retrait des licences ou autorisations d'exercice, de tarification, de définition des normes techniques ainsi que le suivi de la conformité à ces normes. Certaines autorités de régulation ont été dotées en plus d'un pouvoir de sanction, ce qui constitue quelque chose de vraiment nouveau pour les agents économiques habitués depuis l'indépendance à ne rendre compte qu'à l'Etat. Les défis relevés par ces autorités de régulation ont été pour certaines à la hauteur des objectifs assignés à la libéralisation de l'économie et pour d'autres, les incompréhensions nées d'une méconnaissance de leur mission ont quelque peu altéré leur fonctionnement. Confrontées à des difficultés de toutes sortes pour conduire l'ouverture des secteurs ciblés à un niveau acceptable en matière de transparence, les régulateurs ont su se positionner sur les secteurs marchands loin des contingences politiques et accomplir ainsi leur travail normalement sans interférences d'aucune sorte. Cet apprentissage réussi leur confère une autorité morale dans toutes leurs actions. Il reste, seulement, à parfaire leur intervention en termes d'exigence qualitative et de standard de gestion. Le bilan d'étape du fonctionnement de ces régulateurs dans cette phase du développement de l'économie de marché devient une nécessité pour mieux situer leur place dans la réforme de l'Etat et de ses institutions. Sous d'autres cieux, ils sont contestés parce qu'ils se sont démultipliés et ont quelque part surutilisé le pouvoir qui leur a été confié par la puissance publique, échappant ainsi au contrôle des parlementaires qui n'ont pas d'action directe sur eux, ce qui est une manière pour l'Etat de ne pas rendre compte aux élus du peuple sur des pans entier de l'économie. A méditer. Seulement, il manque au tableau des autorités de régulation, qui sont aussi connues sous le nom d'autorités administratives indépendantes, une autorité en charge de réguler la concurrence dans ses moindres recoins. Elle est prévue, mais elle n'a toujours pas vu le jour, trois ans après la promulgation du texte fondateur. Les efforts de législations menés ces dernières années pour moraliser les relations commerciales, et qui se sont traduits par des réglementations appropriées, ne prospéreront pas concrètement si elles ne sont pas encadrées par un régulateur. Les opérateurs qui peuplent le marché ne sont pas tous animés de bonnes intentions. Les comportements relevés un peu partout et rapportés par la presse ne poussent pas à l'optimisme et retardent un peu plus la réorganisation des réseaux de distribution, et du coup, rassurent l'informel à la recherche d'une reconnaissance pérenne.