A l'initiative de «L'Espace d'histoire et de mémoire de la ville d'Oran», un ouvrage collectif vient de paraître, aux éditions Enadar, où nombre de sociologues et autres personnalités politiques et littéraires, sous la direction de Mohamed Freha, ont décortiqué le parcours de combattant du défunt moujahid Mohamed Benahmed dit «commandant Moussa». En plus de lui rendre un hommage solennel, ils apportent, dans ce nouvel ouvrage, nombre de témoignages et d'anecdotes ayant jalonné la vie de ce héros qui était chef d'état-major adjoint de l'Armée de libération nationale (ALN) pendant la guerre. Mohamed Benahmed est né le 2 juillet 1920 à Oran. En 1952, il adhère au MTLD et se présente aux élections municipales de 1953. Lors du déclenchement de la Guerre de Libération, il rejoint le maquis «après un long trajet qui le conduit d'abord au Maroc, où il se met à la disposition d'un jeune officier de l'ALN, adjoint de Boussouf, commandant en chef de la Wilaya V. Il s'agit du colonel Lotfi, alors âgé de 22 ans», relate Benamar Médiène, universitaire et chercheur. «Le colonel Lotfi lui confie le poste de commissaire politique de la région de Géryville (El Bayadh, ndlr) sous le pseudonyme de ‘‘Mourad''. Sa mission est double : harceler les postes militaires et regrouper les maquis isolés et les francs-tireurs». En 1957, Mourad est identifié par les services français comme étant Mohamed Benahmed, commerçant à Oran. A cette même époque, sa fille, Fatima Zohra, est froidement assassinée à Mdina Jdida. En 1959, Mourad, devenu «commandant Moussa», quitte le maquis pour rejoindre l'armée des frontières. Nommé commandant des forces armées à la frontière Est (Tunisie), il marquera les esprits en signifiant haut et fort sa désapprobation suite à la démission de l'état-major conduit par Boumediène, le 15 juillet 1961. Selon Houari Addi, professeur de sociologie à l'Institut d' études politiques de Lyon (France), «A l' été 1962, le commandant Moussa rentre en Algérie clandestinement et tente de s'opposer à la prise du pouvoir par Ben Bella et Boumediène et rejoint Boudiaf et Aït Ahmed. Il implante des maquis FFS dans l'ouest du pays, mais il est arrêté en 1963 et condamné à mort. Gracié par Houari Boumediène en 1965, il se retire de la vie politique pour se consacrer à sa famille». Mohamed Benahmed a, sa vie durant, refusé les privilèges qui lui étaient dus en sa qualité de moujahid de la première heure. Il n'était pas, comme l'explique le journaliste, écrivain et homme de théâtre et actuellement, directeur du journal El Djoumhouria, Bouziane Ben Achour, de ceux qu'on impressionne. «Mohamed Benahmed était une voix d'espérance. Cet homme exceptionnel, une fois l'indépendance acquise, s'est volontairement mis en retrait. Il avait cette indépendance d'esprit qui lui permettait d'appréhender l'environnement immédiat avec cette franchise brutale qui désarçonnait tous ses compagnons d'armes», affirme Bouziane Ben Achour. Pour Cherfaoui Mohamed, moudjahid, cadre supérieur et de surcroît cousin de Mohamed Benahmed, cet homme est «un héros oublié». Son franc-parler lui a valu le respect de tous. A titre d'exemple, l'ouvrage reprend un ancien témoignage de Saïd Sadi (extrait d'un livre paru aux éditions Flammarion en 1996) qui salue la bravoure de ce défunt moujahid : «Parmi toutes les figures que j'ai croisées là-bas, j'accordais une grande attention aux propos d'un vieux responsable. Le commandant Moussa était chef d'état-major adjoint de l'ALN pendant la guerre. Ce vieil instituteur s'opposa, dès l'indépendance, à Houari Boumediène, à qui il reprochait sa gestion violente et autoritaire. Cela lui valut trois années de prison et d'horribles tortures. Il ne renia jamais ses convictions et demeura l'autorité morale et politique la plus sûre et la plus fiable de l'Ouest algérien».