Les amis, des proches, des collègues et de simples passants vous proposent un de leur chèque CCP contre le prêt d'un peu d'argent liquide pour dépanner, pour faire les courses, pour acheter le pain, le lait des gosses, les médicaments. Des gens se sont vu couper le courant pour ne pas avoir payé à temps la facture, des remboursements à échéances avec leurs cortèges de pénalités n'ont pas pu s'effectuer à temps, une mort évitée de justesse pour une intervention chirurgicale qui n'a pas été payée. Tout cela parce qu'il n'y a pas d'argent à El Tarf. Il n'y en pas à la poste, à la CNEP, à la banque, et quand il y en a, il est rationné, comme l'eau sauf que là c'est de votre propre bien qu'il s'agit. Mais où est l'Etat ? s'exclame la population au bord de la révolte dans les bureaux de poste. Même les hommes en uniforme, officiellement tenus à la réserve en public, ne cachent plus leur colère et pestent contre la « doula » qu'ils représentent. Cela dure depuis des semaines. Habituellement, ce genre de pénurie, car ce n'est pas la première du genre, s'estompe au bout de quelques jours. Cette fois-ci, elle dure. Depuis la veille de l'Aïd, les détenteurs d'un CCP ne peuvent pas prendre possession de leur bien auprès des guichets d'Algérie-Poste. C'est la même chose auprès des autres établissements financiers. Motif : « Pas d'argent ». A la poste, on dit que c'est la Banque d'Algérie qui ne livre qu'une fraction des besoins habituels, et à la Banque d'Algérie, on dit que ce n'est pas nous c'est Alger, et Alger, elle, ne dit rien du tout sauf que nous avons des milliards de dollars qui proviennent du pétrole. Et El Tarf répond : « S'ils n'ont pas de dinars, qu'ils nous donnent des dollars et on se débrouille, comme toujours. » Ce week-end, les gens ont dû aller à Annaba, El Hadjar, Guelma, Souk Ahras pour retirer un peu d'argent. Car curieusement, les wilayas voisines ne connaissent pas ce problème avec autant d'acuité. « Ils ont des activités commerciales qui compensent », explique sans convaincre un banquier d'El Tarf. Malgré toutes nos tentatives d'en savoir plus, aucune explication sérieuse ne nous a été fournie pour comprendre cette situation qui fait les gorges chaudes et donne des idées aux manipulateurs. « Sommes-nous les premières victimes de cette inflation qui devrait théoriquement suivre l'augmentation des salaires ou celle de la thésaurisation générale qui a tendance à supplanter l'épargne par défiance vis-à-vis de l'Etat ? Qui nous le dira ? ». En tout état de cause, la situation commence à susciter quelques inquiétudes. La tension est telle dans les bureaux de poste, où seuls les nombreux retraités trouvent le temps d'attendre, non sans exaspération, qu'il suffirait d'un rien pour que cela explose. Les mauvaises langues ne peuvent pas s'empêcher de lier cette situation aux affaires de corruption qui touchent l'administration locale et qui ont coûté sa place à Djillali Arar, l'ex-wali, aujourd'hui devant la Cour suprême. Pour elles, c'est par là que l'argent d'El Tarf s'est envolé !