L'impasse politique dans laquelle s'est engagé le pouvoir ne cesse de faire réagir la classe politique qui interpelle, unanimement, l'armée sur son rôle constitutionnel à permettre une sortie de crise. Trois personnalités nationales appellent l'Armée nationale populaire (ANP) «à se démarquer de manière convaincante du groupe qui s'est emparé indûment du pouvoir et entend le conserver en laissant croire qu'il a le soutien de cette même institution». Ali-Yahia Abdennour, militant des droits de l'homme, Rachid Benyellès, général à la retraite, et Ahmed Taleb Ibrahimi, ancien ministre et ancien candidat à l'élection présidentielle de 1999, viennent de joindre leurs voix à celles de ceux, qui comme eux — personnalités et classe politique —, sont inquiets de la situation politique du pays et de son avenir. Dans un appel rendu public hier et dont la presse en a fait un large écho, ils interpellent expressément l'unique institution qui demeure encore à leurs yeux «la moins dépréciée du pays». Leur communiqué commun comporte plusieurs messages aussi importants les uns que les autres. Ils contestent, d'abord, la légitimité du groupe qui détient «indûment» les rênes du pouvoir, et prennent au passage soin d'accorder à l'institution militaire le bénéfice du doute, en soulignant précautionneusement que les détenteurs du pouvoir n'ont pas réellement son soutien qu'ils le laissent croire pour le conserver. C'est cette couverture et cet «appui» de taille que les trois personnalités voudraient voir levés et de manière «convaincante». Pour elles, l'armée est la seule institution, l'unique qui ne soit pas dépréciée, qui est à même de jouer un rôle pour sauver ce qui reste encore à sauver. Ils considèrent «hélas, que les institutions chargées de la mise en œuvre de l'article 102 de la Constitution sont aux ordres de ceux qui détiennent véritablement le pouvoir, à savoir l'entourage familial du Président et un groupe de puissants oligarques disposant des richesses du peuple selon leur bon vouloir». Les trois personnalités qui ont toujours mis en garde contre les dérives que pourrait comporter l'intervention de l'armée dans la politique y voient à présent l'ultime recours pour sortir le pays de la situation de crise qu'il vit. Elles souhaiteraient, même si c'est du bout des lèvres, qu'elle «accompagne le changement qui s'impose et de participer à l'édification d'une République véritablement démocratique». Mais ce qu'elles lui demandent surtout, c'est de s'inscrire en faux de manière claire et précise par rapport à l'entourage familial du Président et les puissants oligarques qui l'entourent. «C'est le moins que l'institution militaire puisse faire», estiment Ali-Yahia Abdennour, Rachid Benyellès et Ahmed Taleb Ibrahimi dont l'appel rejoint, à quelques nuances près, ceux d'autres personnalités politiques qui ont demandé à l'armée de peser de tout son poids pour mettre un terme à l'impasse politique. Mais l'institution militaire a déjà répondu à de pareilles sollicitations en soulignant qu'elle respectera à la lettre «ses missions constitutionnelles». Le chef d'état-major de l'ANP et vice-ministre de la défense, le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, l'a fait à plusieurs reprises, parfois sèchement, en renouvelant à chaque fois par des messages clairs et sans aucune ambiguïté son attachement à la légalité constitutionnelle. Il n'a pas manqué d'ailleurs de le souligner dans son discours le 20 août dernier en réagissant au message du chef de l'Etat en disant : «Il m'est si propice en cette favorable occasion de saluer le contenu du message de Son Excellence Monsieur le Président de la République, chef suprême des Forces armées, ministre de la Défense nationale, adressé à l'occasion de cette mémorable date si chère à tous les Algériens et à travers lequel il a souligné que le peuple peut s'appuyer en toute quiétude sur l'ANP, digne héritière de l'ALN, lorsqu'il s'agit de préserver la sécurité du pays, de ses citoyens et de son intégrité territoriale». L'institution militaire a également réagi par la voix de la revue El Djeich ou par le truchement d'anciens cadres de l'armée pour couper court à tous les appels qui sollicitent son intervention.