Forcée de s'impliquer directement dans la vie politique, l'ANP a fini par s'écarter de ses prérogatives institutionnelles. Sans doute le brûlant sujet du rôle que joue l'institution militaire dans notre pays ne pouvait-il pas être omis dans un débat à coeur ouvert avec un homme qui a été ministre entre 65 et 88 et principale personnalité sollicitée en 92 pour dénouer la crise. D'emblée, il affirme sa conviction de «l'importance du rôle de l'ANP, donnée permanente dans la vie politique, depuis la guerre de libération, dans toute stratégie de sortie de crise». De même qu'il souligne «la place de l'armée comme facteur de stabilité et garant de l'unité nationale». Il ajoute: «Notre armée n'est pas formée de mercenaires, elle n'est pas issue d'une caste, mais elle est d'essence populaire. Elle a joué un rôle de premier plan, et dans la libération nationale, et dans la phase d'édification. Elle a été amenée, à son corps défendant, à s'impliquer directement dans la gestion des affaires du pays en octobre 88 devant la carence de la classe politique». Et d'ajouter que «trop de liens et un lourd contentieux feraient que le commandement de l'armée n'a pu reculer par rapport à ses engagements de 88, confortés par l'arrêt du processus électoral de 92». Et de conclure, donc, que «l'armée, graduellement, doit se retirer de la vie politique nationale afin de se consacrer aux missions qui lui sont dévolues par la Constitution». Il ajoute que «l'armée, en s'enfonçant dans la crise et en prenant partie dans les querelles partisanes, risque de se couper du peuple. C'est pourquoi, je pense qu'impliquer encore l'armée dans cette crise, c'est une manière de la fragiliser alors qu'elle doit être préservée et sauvegardée en tant qu'institution, colonne vertébrale de l'unité et de la stabilité du pays». Ahmed Taleb Ibrahimi ajoute que «le meilleur service qu'on puisse lui rendre, c'est de créer les conditions favorables à son retrait graduel du champ politique. Autrement dit, la classe politique doit assumer sa responsabilité d'abord en affichant son indépendance vis-à-vis de cette institution». A la question qui lui a été posée sur les nombreux appels de démocrates républicains quant à l'intervention de l'armée pour destituer le Président et leur remettre le pouvoir, Ahmed Taleb Ibrahimi manifestement hostile à ces sorties itératives, tout comme tous les représentants de l'opposition véritable, répond: «Pourquoi le destituer après l'avoir choisi et imposé? La seule voie pour mettre un terme à cette crise de légitimité, c'est de permettre au peuple algérien de s'exprimer librement et de désigner ses représentants et ses dirigeants. C'est pourquoi, nous avons réclamé, il y a deux ans déjà, avec le général Rachid Benyelles et Me Abdenour Ali-Yahia, une élection présidentielle anticipée, sans fraude ni manipulation».