Quarante-huit heures d'âpres sondages et de tractations secrètes. Horst Köhler, l'envoyé spécial d'Antonio Guterrès (secrétaire général de l'ONU) pour le Sahara occidental, a bouclé jeudi dernier la deuxième étape de sa mission dans la région. Sur fond d'appréhension et de crainte d'une possible volte-face onusienne nourrie notamment par les déclarations minimalistes de l'ex-président allemand et dans lesquelles il n'est fait référence – pas une fois – à l'organisation du référendum tant attendu (depuis le cessez-le-feu de 1991) ni à un quelconque parachèvement du processus de décolonisation pour cette dernière colonie du continent africain. Mercredi à son arrivée au camp de réfugiés d'Aousserd, l'émissaire onusien, circonspect et usant d'un langage diplomatique poussé à son paroxysme, déclarait œuvrer à relancer les négociations entre le Maroc et le Front Polisario sans en préciser les bases ni référence aux innombrables résolutions de l'ONU reconnaissant le droit des Sahraouis à l'autodétermination. Jeudi soir, au deuxième jour de sa visite, Horst Köhler a été reçu par Ibrahim Ghali, le président de la République arabe sahraouie (RASD). Sous les deux grands chapiteaux plantés au beau milieu de l'esplanade de la Présidence sahraouie, sise au camp de réfugiés de Rabouni, il y avait là toute l'élite de la direction politique du mouvement de libération et gouvernement sahraoui. Diplomates et négociateurs chevronnés, ministres, députés, sénateurs et brochette de notabilités assistaient à la rencontre qui s'est déroulée dans un huis clos intégral. La brève et expéditive allocution donnée à la presse à l'issue de l'audience, les traits tirés de Ibrahim Ghali trahissaient la déception ambiante, déjà diffuse au sein de l'opinion sahraouie, lassée par 43 ans d'atermoiements des Nations unies et par les chassés-croisés diplomatiques et les promesses de négociations vaines et stériles. Ibrahim Ghali qualifiera de «franc», de «positif» et d'«important» son échange avec Köhler et sa délégation, insistant sur la vocation et le «rôle de l'ONU dans le parachèvement du processus de décolonisation en Afrique» comme autant de rappels des missions essentielles de l'Organisation des Nations unies. Le président sahraoui fera montre de la pleine disposition de son gouvernement à «coopérer avec l'envoyé personnel» du chef de l'ONU, à l'«aider afin de réussir sa mission», si toutefois la «volonté politique existe chez l'autre partie», le royaume du Maroc, qui a «bloqué jusque-là, rappelle Ibrahim Ghali, tous les efforts déployés depuis le cessez-le-feu de 1991». «Nous souhaitons, dit-il, que l'envoyé spécial de l'ONU, avec le soutien du secrétaire général des Nations unies et des membres du Conseil de sécurité, soit couronné de succès et nous espérons également qu'il (Horst Köhler) ne fasse pas l'impasse sur le rôle de l'Union africaine devenue un acteur primordial et un partenaire essentiel de l'Organisation des Nations unies dans sa mission de décolonisation.» Dans la matinée de jeudi, et après une nuit passée dans la résidence de la Minurso, à Tindouf, Horst Köhler a rencontré les représentants des organisations dites de la société civile affiliées au Polisario. Daha Ahmed, secrétaire général de l'Organisation des écrivains et journalistes sahraouis, parle d'une rencontre passionnée où certaines paroles desdites organisations ont tancé l'émissaire onusien et fait le procès d'une ONU en porte-à-faux avec le droit international et incapable de faire respecter ses propres résolutions. «Horst Köhler ou un autre, c'est du pareil au même : les Sahraoui n'ont désormais plus confiance en l'Organisation des Nations unies», estime Daha. «Aujourd'hui, nous lui avons signifié que c'est soit la négociation directe sur la base du respect de notre droit à l'autodétermination, soit le choix des armes». Cause entendue ?