L'ultime révérence de Mohamed Bouamari a provoqué une grande tristesse dans le cercle des participants au Festival du Caire. Les cinéastes et journalistes le connaissaient et appréciaient hautement son talent et sa générosité. L'emblème du cinéma « djidid » est en berne. On ne se remettra pas facilement de cette grande perte. Cairo terminus. L'eau minérale est absente des boutiques mais une forte odeur de dollars flotte sur la ville. Quand la nuit tombe, les bateaux commencent à bouger sur le Nil, autant de restaurants-dancings où quelques brunes pulpeuses se déhanchent devant des Saoudiens qui pataugent dans leurs pétrodollars. Dans la salle Good News, qui appartient aussi à un millionnaire, on voit à la file ce qui mérite d'être vu du programme du festival. Un étrange climat régnait samedi matin à Good News pour l'avant-première du film égyptien en compétition Mafish gheir kida (Rien que ça) de Khaled El Haggar, avec Nabila Obeid, Khaled Abul Naga, Rolla Mahmoud, Sawsan Badr et toute une flopée d'étoiles... Peu plausible comédie, tournée à la va-vite, un scénario style Bollywood mal déballé. On se sentait un peu perdu dans le tumulte de scènes chantées et dansées sans conviction. Cela dit, les inévitables Asiatiques sont de retour. Au marché du film, il y a un grand stand indonésien. Et sur les écrans du festival, il y a des films philippin, chinois, indien (Amitabh Bachchan, Shah Rukh Khan, Dimple Kapadia, en vedettes). Le Festival du Caire, c'est comme une tour de Babel. On y trouve de tout. Parfois des bijoux comme le film de Sri Lanka : San Kara, de Prasanna Jayakody. Une œuvre silencieuse, sans le boucan du film égyptien déjà cité, magistralement filmée qui raconte la vie d'un jeune moine bouddhiste. Etrange chose, singulière situation du jeune moine qui subit les clins d'œil des belles filles autour de lui (alors qu'il restaure les peintures d'un temple) mais qui doit rester, selon l'enseignement de Lord Bouddha, étranger à tout ça, éviter toute passion, tout éveil de désir (The five senses) et spécialement barrer de son horizon toute la gent féminine du type aguicheuse. En attendant Barakat ! (où Mohamed Bouamari joue son dernier rôle), on traîne sans fin entre Good News, l'opéra house, sous le soleil caïrote qui ne manque pas, à la recherche d'images qui font battre le cœur.