Hélas, l'on ne peut que constater le fait que la situation de notre pays ne cesse de se dégrader ! La crise que vit le pays est globale. Cette crise est, d'abord, politique. Plus de cinquante-cinq ans après son indépendance, l'Algérie n'arrive toujours pas à se faire gouverner par des autorités plus ou moins légitimes et performantes et qui rendent compte à la population. Notre pays continue d'être régenté par un pouvoir de fait, avec camouflage démocratique. Nos mœurs politiques sont devenues exécrables, si exécrables que figurer sur une liste électorale se monnaie en millions de dinars aujourd'hui. Outre la longue maladie du chef de l'Etat qui bloque toute perspective politique, malgré ces annonces qui se suivent et se ressemblent et ces mises en scène télévisuelles pathétiques auxquelles les citoyens ont droit de temps à autre. Ce n'est que du temps, trop précieux, perdu pour le pays. L'on est même en droit de se demander si ceux qui entourent le président Abdelaziz Bouteflika ne sont pas en train d'utiliser la longue maladie de celui-ci pour se servir à souhait. En tous les cas, ils sont bien en train de le rendre responsable, pour la postérité, de tous leurs méfaits actuels. Pour preuve, ces appels effrontés pour un impossible cinquième mandat ! Enfin, probablement peu de gens réalisent que la longue maladie d'un chef d'Etat – notamment dans un système de gouvernance comme le nôtre – finit par instiller une dose d'anxiété, voire de déprime, parmi la population. Elle (crise) est, ensuite, économique. La vie économique nationale se caractérise par une gabegie et une corruption généralisées, une économie informelle tentaculaire, des revenus extérieurs trop précaires parce que dépendant d'une mono exportation. Outre l'évasion fiscale à grande échelle, l'absence de l'éthique de l'effort et l'attrait du gain facile. L'option de «moyens de financement non conventionnels» choisie par le gouvernement actuel – en plus du fait qu'elle soit une émission d'une fausse monnaie, officielle cette fois-ci – fait courir au pays le risque d'une inflation galopante qui ne manquera pas de se traduire par des drames humains aujourd'hui inimaginables, d'autant plus que le bâton va, sans doute, grossir au fur et à mesure que la carotte s'amenuise. Ceci dit, n'importe quel Algérien aurait préconisé – avant de penser à la planche à billets – de commencer, d'abord, par la restitution des milliards de dollars volés, des économies dans le train de vie des responsables de l'Etat et la réduction des privilèges accordés indûment à ces responsables, lesquels privilèges ne peuvent que relever de la prédation. Sans parler de l'évasion fiscale qui fait rage dans notre pays parce que tout se monnaie, frauduleusement, cash et sans facture. Elle est, enfin, sociale. Livrée à elle-même et dépourvue d'une élite (politique et autres) la tirant vers le haut, notre société manifeste, depuis quelque temps, une nette tendance à l'anomie, créant son propre «normal» ; encouragée, notamment, par le relâchement progressif de la puissance publique, sauf quand il s'agit de contestation. Ses individus sont devenus de plus en plus intolérants et irritables. A cause d'une perte d'espoir dans leur pays et se sentant incapables de se faire une vision d'avenir commune, beaucoup d'Algériens, notamment les jeunes, préfèrent l'exil, tandis que d'autres font mine de trouver la solution dans le retour au «vrai Islam» celui des essalaf essalih (les ancêtres vertueux) ! Une démarche à envisager Bien sûr qu'il n'est pas facile de trouver le moyen idoine pour libérer l'Etat algérien en captivité d'autant plus que sa «captation» s'est fortement enracinée. Toutefois, un certain nombre de scénarios restent envisageables. Par souci de préserver la paix et agir dans d'ordre, l'auteur de cette contribution, écartant, d'emblée, le recours aux chefs militaires en politique, pense que l'on peut envisager le scénario suivant. La dégradation continue de la situation du pays pourrait bien faire prendre conscience aux «forces du bien» au niveau de la Présidence de l'impossibilité de continuer à faire comme si de rien n'était. Aussi, il se pourrait que ceux-ci vont en tirer les conséquences qui s'imposent, notamment l'organisation de la démission du chef de l'Etat, A. Bouteflika, pour des raisons de santé et à la suspension de la Constitution. Suite à quoi, lesdites forces convoqueront une réunion d'urgence des directions des «institutions consultatives» mentionnées dans la Constitution 2016 (articles 195-204). Cette réunion devra aboutir à la création d'un «Conseil national pour la refondation», lequel sera à caractère délibératif et se réunira de son propre chef ou à la demande de l'Instance présidentielle ci-dessous nommée. Bien entendu, d'aucuns ne manqueront pas de voir là une incohérence du fait de prévoir la suspension de la Constitution et de recourir, en même temps, à certains de ses articles ! Il y aura même des esprits qui vont considérer cette manière de voir les choses sinon comme un vœu pieux, une ineptie qui ferait revenir l'ancien régime par la grande porte. En fait, ce recours semble le plus viable pour déclencher un processus de refondation avec le plus de chances de réussite du fait de son caractère pacifique et ordonné. Et s'il y aurait un risque quelconque, les forces politiques et sociales du pays devraient être là pour l'empêcher. Enfin, méfions-nous, surtout, du mythe de la table rase, il convient bien aux aventuriers et opportunistes. Dès son installation, ledit Conseil devra procéder à la création d'une «Instance présidentielle transitoire», à caractère exécutif, dont les membres devront être sans liens politiques. Cette instance devra désigner un gouvernement restreint pour l'expédition des affaires courantes et se chargera de la gestion d'une période de transition qui ne devrait pas durer plus d'une année et demie. Durant cette période, il s'agira de doter le pays d'une nouvelle Constitution. Cette tâche sera confiée à une commission ad hoc d'horizons divers et consistera à élaborer un texte concis. Celui-ci ne devra contenir aucun engagement de pure forme et aucune référence surannée servant d'assise au pouvoir politique. Il devra s'en tenir à l'essentiel, notamment les mécanismes d'une gouvernance efficiente, les droits humains fondamentaux, les mesures de protection des citoyens contre les injustices et les fragilités sociales. En même temps, un engagement sociétal ferme devrait y être pris pour accorder à l'éducation et les différents apprentissages tout au long de la vie une importance centrale. Une fois son élaboration achevée après d'amples consultations et prises de position par divers moyens, notamment à travers les médias publics et privés, le texte de la nouvelle Constitution sera présenté à l'Instance présidentielle transitoire laquelle le soumettra au référendum populaire avec exigence d'une majorité qualifiée. Aussi, l'idée d'élire une Constituante ne paraît guère une option souhaitable afin d'éviter d'avoir une instance qui soit l'otage des différentes forces politiques. Aussitôt la nouvelle Constitution adoptée, il faudra organiser des élections présidentielle, parlementaire, puis locale. Les membres du Conseil national pour la refondation ainsi que ceux de l'Instance présidentielle transitoire ne pourront concourir à aucune desdites élections ; ni pour eux-mêmes ni pour d'autres candidats afin d'éviter toute maldonne. Le Conseil national pour la refondation s'auto-dissoudra et dissoudra, par là-même, l'Instance présidentielle transitoire dès investiture du nouveau président de la République. En cas de référendum négatif, il appartiendra aux membres du Conseil national pour la refondation d'en tirer les conséquences nécessaires et de s'entendre sur la voie à suivre, après dissolution de l'Instance présidentielle transitoire. Les mesures destinées à renforcer l'état de droit comme prélude à la refondation Dès l'entame, l'Instance présidentielle aura à prendre un certain nombre de mesures urgentes afin d'entamer le redressement du pays et gagner la confiance de la population pour pouvoir aller de l'avant. Il s'agira, notamment, de renforcer le travail de police pour imposer le respect des lois et règlements et la tranquillité publique au quotidien. Certes, cela va induire l'augmentation du nombre des agents de la sûreté et de la Gendarmerie nationales mais n'impliquera pas forcément de grands nouveaux recrutements étant donné qu'on pourra, aisément, puiser dans les rangs de l'ANP des militaires qui seront détachés pour une période limitée. Ce travail de police devra être accompagné d'un travail soutenu de sensibilisation à grande échelle dans lequel les membres de l'Instance présidentielle transitoire seront pleinement impliqués. Il s'agira, aussi, de lutter contre la saleté et le squattage des lieux publics ainsi que contre les diverses formes de voies de faits par tous les moyens de droit. Au niveau des organismes de l'Etat, il faudra y faire respecter, scrupuleusement, la discipline du travail et les règles d'hygiène. Maintenant, qu'en est-il des forces politiques et sociales du pays dans tout ce processus de refondation ? Elles seront censées se positionner par rapport à toutes les démarches engagées, à chaque fois, par les autorités de transition, tout en se concentrant sur leur propre consolidation et leur bonne préparation aux échéances électorales prévues. Pour raisons d'efficience, ces forces devront œuvrer, en même temps, à s'agglomérer, car l'émiettement est de nature à parasiter la vie politique nationale.