De sa gestation dans le mouvement national à nos jours, l'Etat algérien n'arrive toujours pas à trouver une solution durable aux deux questions de l'institutionnalité et de la centralité. Le Congrès de la Soummam a tenté une élaboration dans ce sens. Hélas, l'assassinat de Abane, principal organisateur de ces assises, y a mis fin de manière tragique. L'accession au pouvoir et son exercice n'obéissent pas à des règles juridiques bien établies et respectées. S'ajoute à cela la difficulté à identifier et à localiser le ou les détenteurs du pouvoir. Depuis l'indépendance, les successions se sont déroulées dans des conditions particulières, souvent dans la douleur. Toutes portent le sceau de l'exception. Qu'en sera-t-il de l'échéance de 2019 ? Bien malin est celui qui osera répondre. En l'absence d'éléments d'information fiables et dans ce climat de suspicion généralisée, seules des hypothèses pourraient être émises. Avant cela, il est utile de revenir sur les bouleversements introduits dans le régime politique avec l'arrivée de Bouteflika au pouvoir. En effet, jusqu'en 1999, la prérogative de désigner ou de destituer est détenue par le haut commandement de l'armée. Depuis, tout en maintenant la nature autoritaire du système, la configuration du régime a radicalement changé. L'armée n'est plus au centre du pouvoir et l'institution présidentielle s'est beaucoup affranchie. D'autres acteurs ont émergé, à l'exemple de la classe des nouveaux riches, sans omettre le renouvellement total de la haute hiérarchie administrative et militaire. Le régime se présente sous la forme d'un mélange d'éléments hétéroclites empruntés au makhzen marocain, l'ancien Etat policier tunisien et l'oligarchie russe. Cela explique la difficulté à rendre compte des rapports de force au sein du sérail. Une telle configuration entoure la succession de mystère, de manœuvre, d'incertitude, etc. N'importe quoi peut en sortir. Surtout que c'est un cas de figure inédit. Une chose est cependant certaine. Dans le cas où les segments composant le bloc au pouvoir n'arrivent pas à un accord acceptable sur la succession, le 5e mandat n'est pas seulement envisageable. Il est presque inévitable. Il restera aux décideurs à régler la complexe équation induite par une telle option. Du côté de la société, aucune alternative n'est visible. Les élites autonomes n'arrivent toujours pas à proposer collectivement une offre politique sérieuse et rassurante. Cependant, l'opposition au 5e mandat peut, la crise aidant, se cristalliser de manière impromptue. Le sérail est quant à lui insondable. Aucun signe de prétendance n'est affiché, même si des velléités de succession existent bel et bien. C'est la veillée d'armes muette et discrète. Sans compter tous les contingents de cadres écartés et dont on ignore le poids politique et la réaction. La dernière inconnue de l'équation est la communauté internationale. Comprendre par là les grandes puissances. Deux impérieux sont sur la balance : la géosécurité et l'économie. Fondamentalement, les USA et l'Europe, particulièrement la France, sont peu regardants sur la manière dont il sera procédé en 2019. Un pouvoir faible et illégitime leur offrirait à la limite de meilleures garanties. Mais si la reconduction de Bouteflika pouvait faire peser un risque réel sur la stabilité de l'Algérie et par effet d'impact sur leur propre stabilité, alors ils réfléchiraient à deux fois avant d'exprimer une quelconque approbation. A mon humble avis, et je l'ai récemment exprimé avec d'autres propos, il serait sage d'éviter au pays d'être pris en otage par cette échéance. La seule solution possible est un double partage du pouvoir. Un partage transitoire du pouvoir exécutif entre le président de la République et le gouvernement d'union démocratique. Et un partage institutionnel du pouvoir entre Etat et régions. Un 5e mandat sans contrepartie en réformes et en ouverture vers la société serait un désastre. Le pire est alors à craindre. Ma conviction profonde est que 2019 sera une année charnière. Elle est à la confluence de plusieurs événements. L'Algérie sera devant un choix existentiel. Fera-t-elle le bon choix ?