S'il a parfois été question de guerre par procuration ou par pays interposés, on connaît moins la notion dite de «guerre pour les autres». Et pourtant, les Libanais en parlent encore et toujours avec ce qu'ils ont vécu et disent craindre que cela se reproduise. L'auteur de ce concept, longtemps proche et même dans les plus hautes sphères politiques de son pays, mort dans un attentat en 2005, n'avait jamais occupé le devant de la scène politique libanaise. Il était, cependant, connu pour sa fonction de conseiller de nombreux chefs d'Etat de son pays, mais aussi pour ses analyses. Ainsi en est-il de la guerre qui avait ravagé le Liban entre 1975 et 1990. Une «guerre pour les autres», soulignait-il, en titre de son ouvrage publié en 1985, et consacré à cette période absolument sombre et qui n'a pas fait bouger les lignes outre mesure. Un sentiment que conforteront à coup sûr la récente démission du Premier ministre et surtout les propos qu'il vient de tenir et qui ont accompagné sa décision. Saad Hariri a dit craindre pour sa sécurité, mais les accusations qu'il porte contre certaines parties renvoient tout simplement à la sécurité du Liban. Il met en cause le Hezbollah lequel, à l'en croire, exécute la politique iranienne dans ce pays, alors même que ce parti fait partie de la coalition gouvernementale menée par M. Hariri, et est même membre d'une alliance conclue, en 2006, avec le CPL (Courant patriotique libre) du chef de l'Etat, Michel Aoun. Voilà donc pour ce qui est des éléments de cette crise qui renvoie, à une moindre échelle bien entendu, à ce qui se profile dans la région, avant que ne soit donné une espèce de coup d'accélérateur, voire d'éclairage, apporté cette fois par l'Arabie Saoudite d'où M. Hariri avait annoncé sa démission, violant les normes constitutionnelles de son pays. Son ministre en charge des Relations avec les pays du Golfe, Thamer Al Sabhan, a tenu des propos pour le moins inquiétants en affirmant que son pays traitera désormais le Liban comme un Etat avec lequel le royaume est en guerre en raison de l'influence du Hezbollah sur les décisions prises par le gouvernement libanais. «Les Libanais doivent choisir entre la paix et la soumission au Hezbollah», a-t-il poursuivi. Que vaut l'appréciation d'un gouvernement étranger par rapport à celle de toute la classe politique libanaise qui voit le Hezbollah autrement, c'est-à-dire un des éléments composant le gouvernement de Rafic Hariri, mais aussi comme le bras armé de la résistance anti-israélienne, lui permettant de conserver son armement ? Lors de son discours d'investiture en décembre 2016, le président Michel Aoun, connu aussi pour ne pas partager les alliances du Hezbollah, a dit ne «vouloir épargner aucun effort ni aucune résistance afin de libérer ce qui reste comme territoire libanais», s'opposant donc de ce fait à une résolution de l'ONU (1559) demandant, en septembre 2004, le désarmement des milices libanaises. Une situation réellement inquiétante, surtout dans le contexte actuel, celui d'une crise globale qui dépasse, et même de très loin, le cadre du Liban.