Il n'attendait qu'une bonne occasion pour régler ses comptes avec moi. M'empoignant par les cheveux, il me poussa dans la chambre avec un coup de poing dans le dos, je manquais de peu le coin de l'armoire qui m'aurait sans nul doute fait exploser le visage. Il abattit son poing sur ma tempe, se rattrapa en me tordant le bras et cria que je dépassais toutes les limites de la décence», écrit Yasmina Gharbi-Mechakra dans Sonia le calvaire au féminin. L'auteure, qui en est à son deuxième ouvrage, s'est intéressée au phénomène de la violence faite aux femmes à travers le prisme d'un centre d'écoute fréquenté par des femmes en détresse. «Ce livre est un hommage à toutes les femmes qui ont fréquenté le centre d'écoute Nedjma. Celles qui sont venues pour ‘vider leur sac' parce qu'elles n'en pouvaient plus», écrit-elle encore. De cette expérience, il ressort un témoignage poignant tissé de pans de vérité, de douleur et de vécu et de refus de soumission. L'héroïne dans ce malheur s'appelle Sonia. Victime du poids des traditions d'une société qui ne lui reconnaît qu'un rôle domestique. Elle passera de statut de belle-fille à celui de bru, sans que le spectre de la violence s'éloigne. Mariée à seize ans, elle passe du domicile parental, devenu un lieu de supplice, entre un père en retrait et une belle-mère tyrannique qui l'éduque «physiquement», à celui conjugal qui n'est pas si différent du premier. Car la maltraitance va la poursuivre, s'accentuer et devenir permanente. Mourad, le mari, la «corrige» parce qu'elle a manqué de respect à sa mère, aspire à poursuivre ses études, ou veut prendre son destin en main. Au fait, il n'avait pas besoin de prétexte. Son ego de mâle en prend un coup à chaque fois qu'il est confronté aux velléités d'affranchissement de sa femme. N'a-t-elle pas fugué au lendemain de son mariage pour aller passer le bac ? Tiraillé entre un mode d'éducation patriarcal et une rébellion latente qui risque de le bousculer dans ses certitudes, arborées depuis toujours par son environnement, il laissera déborder son agressivité. Sa femme devient son souffre- douleur, celui de la belle-famille avec laquelle elle cohabite. Elle ne se résignera jamais à cette situation, veut s'affranchir de cette tutelle imposée. Elle n'abandonnera jamais son envie de se libérer de cette oppression. Puis un jour elle commettra l'outrage suprême. Elle prendra la pilule pour se prémunir contre l'enfantement. Symbole aussi de l'émancipation des femmes, de leur droit à disposer de leur corps. Une femme qui refuse la maternité est une mauvaise femme, semble lui reprocher son mari. Et c'est encore un prétexte pour la punir, la dresser, la ramener à la raison…Dans ce genre de relation «dominant-dominé», il lui fait comprendre qui est le maître. Yasmina Gharbi-Mechakra a réussi à dépeindre ce rapport de force qui régit les relations sociales et familiales. A travers un récit saisissant, elle rappelle la fragilité sociale et statutaire de la femme algérienne : «Ils pensent que les femmes veulent tous les droits et ils ont peur pour les leurs. Or, cette prétendue expansion des femmes n'est qu'un acte de survie, une voix qui veut exister, être reconnue comme différente mais respectée.» Naïma Djekhar Sonia, le calvaire au féminin Editions Média-Plus. 320 p. 1000 DA