Notre consœur de la radio, Meriem Guemache, vient de commettre une petite merveille avec son livre pour enfants, Lotfi à La Casbah d'Alger, paru aux éditions Casbah et présenté lors du dernier Salon international du livre. Journaliste, productrice et animatrice d'émissions, l'auteure est connue de manière radiophonique et donc orale et personne ne soupçonnait que l'écriture la tentait. Elle s'y est engagée de belle manière en s'adressant à un public juvénile en manque de productions de qualité. Lotfi à La Casbah d'Alger est un conte moderne qui se déroule aujourd'hui et où ne traînent aucun ogre ni aucune fée ou créatures de ce genre. C'est aussi un conte balade en quelque sorte, puisque son synopsis pourrait se résumer à la visite de la vieille médina d'Alger par Lotfi, une dizaine d'années, accompagné par son père dans les venelles du cœur historique de la capitale. Au lieu d'être un conte tiré du patrimoine, ce livre en format album de BD est un conte pour attirer les enfants vers le patrimoine. Le texte est admirablement illustré par Mohamed Kechida, dont le style clair et agréable fournit une iconographie bienvenue, qui n'est pas sans rappeler, ailleurs, le trait d'Hergé, et ici, celui du regretté Sid Ali Melouah. La dimension picturale d'un tel livre est fondamentale d'un point de vue «pédagogique» et, trop souvent, les éditeurs, qui se lancent dans ce type de productions, négligent cet aspect ou le confient à des artistes qui ne sont pas faits pour ce genre. Mais c'est aussi l'écriture imagée de Meriem Guemache qui a facilité le travail de l'illustrateur. Elle a compris pour cette première incursion toutes les règles qui fondent ce genre éditorial. Un exercice délicat, car il est plus difficile de capter l'attention de lecteurs enfants que celui de lecteurs adultes. Tous les grands écrivains, qui, à un moment donné, ont écrit pour les enfants, ont témoigné de cette difficulté. C'est le cas du romancier français Daniel Pennac qui délaisse souvent son lectorat adulte pour se consacrer aux enfants et qui pourtant bénéficie d'une expérience d'enseignant. Meriem Guemache a choisi en outre une thématique qui pouvait contraindre son écriture, car Lotfi à La Casbah d'Alger vise essentiellement à faire découvrir et surtout à faire aimer un patrimoine architectural, mais aussi immatériel aux très jeunes lecteurs et lectrices. Cet album est d'ailleurs le premier d'une collection intitulée Kounouz Bladi (Les trésors de mon pays) dans laquelle elle se propose de montrer aux petits Algériens, mais pourquoi pas aussi, à des enfants d'autres nationalités, les richesses de l'héritage culturel national. Un excellent moyen de sensibilisation. Avec Lotfi et son père, on entre dans La Casbah, on s'y promène, on s'y amuse aussi, on passe en revue ses lieux les plus emblématiques avec légèreté et plus efficacement qu'un cours en classe. En fin d'album, un quizz est proposé pour permettre aux parents ou aux enseignants d'assister les enfants dans leur compréhension et leur appréciation. Nous n'avons pas pu interroger d'enfants ayant lu Lotfi à La Casbah d'Alger, mais si l'on en croit Daniel Pennac encore, un bon livre pour enfants est celui que ses parents ont aussi envie de lire et qui n'hésitent pas à l'emprunter. Et nous pouvons témoigner que nombre d'adultes y apprendront, au moins sommairement, ce qu'est et représente La Casbah. En attendant des traductions en arabe et tamazight, ainsi que d'autres lieux de découverte, et avec peut-être plus de fantaisie et d'humour, ce coup d'essai de Meriem Guemache mérite d'être salué. S. B.