Au-delà du récit d'une excursion au cœur d'une perle méditerranéenne qu'enjolive le diadème de la capitale, le livre Lotfi à la Casbah d'Alger de notre consœur Meriem Guemache se veut également la joie béate que procure l'innocence, mais aussi l'assourdissant "cri" de détresse qui fuse de l'âme candide d'un enfant qui foule pour la première fois le sol pavé de la médina de ses grands-parents. Donc, plus qu'une clameur, l'exultation du chérubin Lotfi, c'est aussi l'identique SOS qu'ont poussé ses aînés pour la sauvegarde d'un legs séculaire qui part en ruines. Si débordant d'authenticité, notamment dans la description d'endroits, l'auteure guide papa Yahia et son fils Lotfi tout le long de la rue Sidi-Dris-Hamidouche à la Haute-Casbah, où le chérubin observe d'abord une première halte à l'atelier de l'ébénisterie d'art du Casbadj Khaled Mahiout. Pour l'habitué des randonnées à la Casbah, le "coin de la mémoire" c'est aussi cette terrasse-relais pour le visiteur d'ici et les VIP d'ailleurs, ravis de s'iriser l'œil du bleu azur de l'Amirauté du haut du s'tah de la douéra de l'ébéniste. Alors, émerveillé qu'il n'y ait ni chauffard ni motard, Lotfi gambade dans les allées dédaliques, où il s'instruit de l'art de vivre des Casbadjis, dont les "Bab diour" de douérate qui résistent aux affronts du temps et à la main malveillante de l'homme. Subtile d'un vocabulaire pédagogique et dotée d'attrayantes gravures de Mohamed Kechida, l'auteure Meriem Guemache s'est également vêtue du brassard de guide, pour porter haut et fort la voix de Lotfi auprès d'un beylik qui fait, mais qui ne fait pas assez pour chauler les armoiries de ce bastion de la résistance durant le joug colonial. Mais qu'importe la gabegie du beylik, puisqu'il y'a mieux à faire ! Permettre par exemple à Lotfi de se rafraîchir d'une rasade d'eau bénite à "Aïn M'zaouqa" ou la fontaine peinte à la veille des fêtes religieuses du nouvel an de l'Hégire, de l'Achoura et du Mawlid Ennabaoui. L'aspect mystique n'est pas en reste, du fait qu'il y a aussi la ferveur de la séculaire mosquée de Sidi-Ramdane et sa fontaine qui ruisselle près du promontoire, d'où Alger offre au loin, ses atours urbains au visiteur. Enfin, je n'en dirais pas plus, si ce n'est de conclure sur "l'âne, cet éboueur si doux marchant le long des ‘z'niqat'" et l'étape de l'îlot du nacre, où se régentait naguère, l'Alger ottoman dans l'intérieur faste du bouquet de diour El Aziza, Mustapha-Pacha et Essouf (maison de la laine). Que dire d'autre ? Si ce n'est de formuler le vœu, que les adultes soient dessaisis du plan de protection de la Casbah, pour que cette noble mission mémorielle de sauvegarde soit confiée à Lotfi, car, nous sommes tous des Lotfi. Louhal Nourreddine Lotfi à la Casbah d'Alger de Meriem Guemache, collection "Kounouz Blade" aux éditions Casbah.