La campagne électorale en cours est pavée de la bonne intention d'œuvrer pour la décentralisation de la décision en faveur des collectivités locales. Le projet fait consensus dans la classe politique, celle affiliée au pouvoir et naturellement au sein de l'opposition démocratique. Des formations de la mouvance islamiste ont également appuyé cette proposition, sans pour autant percevoir si la démarche est portée par une réelle conviction ou si elle relève de la simple ruse politique, dès lors que ce discours est tenu dans des régions particulières du pays. Dans le climat général qui prévaut dans le pays, marqué par des clivages prononcés, toute idée qui fait consensus mérite d'être promue pour lui donner quelque chance de concrétisation. Le Premier ministre en poste, en tant que responsable politique et haut cadre de l'Etat, s'est révélé être un soutien de poids dans cette perspective et une caution potentiellement institutionnelle. Il a évoqué la question lors de son premier week-end électoral à Skikda, en plaidant la «décentralisation pour mieux servir le citoyen et ses intérêts». Le pouvoir peut parfaitement accompagner cette option dans le contexte actuel où le tarissement des ressources, en dehors de celle virtuelle de la planche à billets, ne permet plus de répondre aux attentes des citoyens. Acculée par la crise, l'autorité centrale peut être amenée à concéder un niveau d'autonomie de décision et expérimenter, contre son gré, la notion de gouvernance locale. Le pouvoir en place est saturé de ses propres échecs, ses actions relevant désormais de coups d'épée dans l'eau. Il préconise le marché locatif pour dépasser la stagnation dans le secteur du logement, ou de faire payer les automobilistes empruntant l'autoroute, alors qu'ils ne pourront bientôt pas faire le plein d'essence. Certaines annonces sont carrément désespérantes pour les modestes citoyens, qui viennent d'apprendre qu'une rallonge budgétaire de 3000 milliards a été allouée à un projet devant leur permettre de prier, dans les prochaines années, dans une salle de 22 000 m2. La décentralisation permettra de montrer qu'il y a plus de génie et d'efficacité au sein de la société que dans les hautes sphères de l'Etat. La cité idéale est sans doute le village où il n'est jamais arrivé que des citoyens mécontents bloquent le siège de leur comité et où il n'est nul besoin de campagne électorale pour représenter la communauté villageoise. Il est, par ailleurs, inconcevable que le directeur d'école ou l'enseignant abandonnent leurs élèves pour prendre à bras-le-corps les affaires du village. Les APC, dans leur configuration actuelle, bureaucratisées, reproduisant l'inertie, parfois la gabegie de l'administration, doivent également être décentralisées. Pour nombre de candidats aux élections locales, une commune de 50 000 habitants n'est pas perçue comme une charge mais la promesse d'une bonne rémunération, et le mandat électoral n'est qu'un moyen d'en préparer le prochain. Or, il s'agit de régler les problèmes les plus élémentaires comme l'aménagement des routes, la salubrité de l'environnement et le bon accueil des citoyens. Les APC gagneraient à être rapprochées de l'échelle et des valeurs villageoises.