Les créances non recouvrées des banques algériennes ont atteint un montant global de 800 milliards de dinars à septembre dernier, tel que révélé récemment par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, citant comme référence les dernières évaluations de la Banque d'Algérie (BA). Rapporté aux portefeuilles des engagements des banques, ce montant représente, selon la même source, quelque 11% du total des crédits alloués à différentes catégories d'emprunteurs, soit près de 8500 milliards de dinars au même mois de l'année en cours. Sont cités parmi les mauvais payeurs, les secteurs économiques publics et privés, mais aussi et surtout les microentreprises relevant du dispositif de l'Ansej, et qui cumulent à elles seules quelque 100 milliards de dinars de dettes sur un total de 700 milliards de crédits. De quelque origine qu'elle émane, l'accumulation de créances improductives dans les portefeuilles des banques inquiète. Surtout par son caractère structurel et persistant, la récurrence de ce phénomène sur plusieurs années dénote surtout d'une gouvernance financière médiocre et d'une faible autonomie de gestion au niveau du secteur bancaire public. «Il y a urgence de réformer la gestion des banques», estime, en ce sens, l'économiste et ancien gouverneur de la Banque d'Algérie, Badreddine Nouioua, pour qui, le taux de 11% de créances bancaires impayées ne paraît guère refléter la réalité. «Il y a toujours des crédits qui restent impayés», indique-t-il, et les créances douteuses demeurent «un problème complexe qui n'a jamais été abordé avec suffisamment d'objectivité et de transparence». Selon notre interlocuteur, les portefeuilles des banques ne sont pas toujours suivis de manière rigoureuse et certains crédits impayés sont parfois escamotés pour ne pas avoir à constituer des provisions et éviter ainsi de faire paraître des résultats déficitaires, y compris au niveau des agences bancaires. Aussi, relève l'ancien gouverneur, les estimations dévoilées sur les créances non remboursées ne sont que ce qu'on laisse apparaître, alors que n'y figurent sans doute pas certains impayés d'organismes publics, ainsi que ceux liés à des crédits de complaisance, accordés soit pas négligence, soit par intérêt personnel. Interrogé sur le rôle de l'autorité bancaire et le risque de voir s'aggraver le poids des impayés avec le retour au refinancement des banques primaires par la Banque centrale, Badreddine Nouioua juge en définitive que la Banque centrale joue au mieux son rôle en la matière, en fixant des critères très stricts pour l'accès au réescompte et aux autres procédures de refinancement bancaire. «C'est aux banques de bien utiliser les ressources qui leur sont allouées», tranche-t-il à ce propos, en ajoutant qu'il faut surtout réformer la gestion des banques, de sorte à ce que leurs personnels soient mieux formés et que «les banquiers ne subissent pas le poids des interférences extérieures»… Déficit d'autonomie D'une manière générale, nous dit pour sa part l'ancien dirigeant d'une banque privée, les injonctions et les faiblesses d'autonomie et de gouvernance au niveau du secteur bancaire ne manquent sans doute pas d'aggraver l'accumulation de créances douteuses dans les portefeuilles des banques. Pour en mesurer concrètement le poids, relève-t-il, il faut surtout évaluer le taux net des créances non performantes, c'est-à-dire à quelle hauteur ces dernières sont approvisionnées sur les fonds des banques elles-mêmes. Ainsi, explique notre interlocuteur, à fin 2015, le niveau de ces créances était estimé à 9,8%, alors que leur taux net après provisionnement était de 3,8%. «Il s'agit d'un taux élevé par rapport aux normes internationales, même s'il est acceptable par rapport au niveau des fonds propres des banques», estime-t-il. Et de soutenir que de 2015 à ce jour, le niveau des créances improductives a logiquement augmenté de manière sensible, au vu notamment des créances détenues sur les entreprises de BTP, car souffrant elles-mêmes de problèmes d'impayés… Avec le recours au financement non conventionnel et la décision d'un règlement diligent des arriérés de paiement dus par l'Etat aux entreprises du bâtiment notamment, «la qualité des créances des banques pourrait s'améliorer», juge en définitive notre interlocuteur. Reste qu'en l'absence d'une modernisation effective du système bancaire national, le problème de la régénérescence des créances douteuses demeure sans doute loin d'être résolu.