En grève mardi et mercredi passés et probablement les semaines prochaines. Les médecins résidents de tout le pays reviennent à la charge et décident de faire entendre leur voix et exiger de meilleures conditions socioprofessionnelles. Témoignages. Répondant à l'appel du Collectif autonome des médecins résidents algériens (Camra), plusieurs milliers de médecins résidents des différents établissements de santé ont tenu une grève les mardi et mercredi derniers à travers le pays. Seuls les médecins devant assurer le service minimum ont travaillé. Ce mouvement de protestation, organisé par le Camra, est cyclique et se tiendra chaque semaine, pour faire part des préoccupations principales des médecins résidents. Selon les échos du Camra, cette protestation a été une des plus réussies du secteur. La plupart des centres hospitaliers des quatre coins du pays ont répondu à l'appel de protestation. D'ailleurs, le mouvement a aussi eu le soutien d'autres organisations syndicales. En effet, dans le communiqué rendu public mardi, le Syndicat national des enseignants chercheurs hospitalo-universitaires (Snechu) a exprimé son soutien aux résidents dans leur mouvement, jugeant leurs revendications légitimes. Quelles sont ces revendications ? On peut les résumer en trois points, selon le docteur Abderrahmane Belaha, médecin résident en chirurgie générale au CHU de Sidi Bel Abbès : «La pédagogie, la sécurité et le statut du résident.» Pour lui, la sécurité est leur souci le plus urgent. Il relate : «A Sidi Bel Abbès, les agressions contre le personnel médical et paramédical sont quotidiennes. On dépose plainte mais sans support de la part de l'administration. On se bat seuls, pas de juriste ni d'avocat de la part de l'hôpital.» Et d'ajouter : «Une fois, le chef de sécurité de l'hôpital de Sidi Bel Abbès nous a dit clairement : ‘‘Nous ne protégeons pas les médecins mais les propriétés de l'Etat”.» Et de préciser que plus de 70% des médecins résidents sont des femmes. Par ailleurs, parmi les points phares des revendications figure la révision du système du service civil, dans sa forme actuelle. Après avoir réussi l'examen final d'études médicales spécialisées, le résident doit travailler obligatoirement pendant une durée allant de deux à quatre ans dans différents hôpitaux à travers le territoire national, selon l'affectation basée sur le classement d'examen. Pour le docteur Ammar Rekmouche, médecin réanimateur, ce service est arbitraire. Selon lui, le combat qu'il a tenu lors de son résidanat au CHU d'Oran est le même que celui de ses confrères aujourd'hui. «On passe ce service obligatoire dans des conditions catastrophiques surtout si on est affecté au sud du pays ou dans les Hauts-Plateaux. Et ce n'est qu'après avoir accompli le service civil que le médecin peut avoir son diplôme final et entamer ses projets. Les résidents sont des docteurs en médecine qui préparent leur spécialité. Ils sont les piliers des CHU et toutes les activités sont basées sur eux à l'intérieur de l'établissement de santé», souligne le docteur. Sur cette problématique, le porte-parole du Camra, Mohammed Taileb, a affirmé qu'il est plus que nécessaire d'encourager davantage le service civil à travers la mise en place de mesures incitatives. Militaire Autre point noir soulevé et déploré par le corps médical, toutes spécialités confondues, est celui du service militaire. En effet, les médecins revendiquent le droit d'être dispensés de passer le service militaire ou national, comme c'est le cas pour certaines tranches de la société, comme les plus de 30 ans et les soutiens de famille ou pour cause médicale. Le Camra réclame l'égalité des médecins, résidents ou assistants, avec les autres jeunes algériens concernés par le règlement de la dispense. Par ailleurs, les résidents réclament l'annulation des examens sanctionnants intercalaires jusqu'à l'application des réformes de formation et d'évaluation des médecins résidents selon leurs carnets. A ce sujet, le docteur Ammar Rekmouche précise : «Les examens sanctionnants intercalaires sont utilisés par les professeurs pour sanctionner les résidents et leur mettre la pression. Les médecins résidents demandent d'annuler les examens sanctionnants et de les évaluer sur la base des carnets de stage. Ce dernier est nécessaire pour accomplir les objectifs, en particulier pour les chirurgiens. Il définit les gestes et les compétences à pratiquer chaque année de formation.» La formation de nos médecins n'est, selon d'autres résidents, pas à la hauteur du métier et de son importance. Karim, un pharmacien résident au EHU d'Oran, se désole : «Malheureusement, la formation des médecins n'est plus ce qu'elle était il y a quelques années. On se retrouve livrés à nous-mêmes, sans encadrement ni suivi de la part des professeurs qui ne font quasiment pas d'effort. Cela n'est évidemment pas le cas de tous, il reste quelques enseignants, qu'on compte sur les doigts d'une main, se donnent à fond pour nous.» Et de continuer : «C'est notre plus grand soucis à Oran. Le manque de vrais professeurs. Je pense qu'à Alger la formation est meilleure», estime-t-il. Selon le biochimiste, ce sont les résidents qui vivent l'enfer chaque jour en exerçant leur métier. C'est aussi à cause des problèmes liés au travail, dont le manque de moyens. Ce dernier parle d'entraves et témoigne : «Le problème des conditions de travail et du manque de moyens nous paralysent au quotidien. Tous les jours, on se retrouve en train de résoudre de petits soucis qui handicapent notre mission.» Poursuivant : «Ce n'est pas dans nos prérogatives, mais on le fait quand même juste pour avancer et parce qu'il n'y a personne pour le faire. Mais à la longue, cela nous fatigue beaucoup plus que notre travail lui-même et ralentit son avancement.» Pour conclure, si la nouvelle loi sur la santé n'a pas encore été signée, elle commence déjà à apeurer nos résidents. Selon le pharmacien résident de l'EHU d'Oran l'instabilité de la loi sur la santé et les mille et une modifications et réformes qu'elle subit ne font qu'empirer la situation des résidents en particulier et de tous le corps médical en général. Pour lui, dans ce domaine, du jour au lendemain on peut se réveiller avec une nouvelle loi qui bouleversera des vies et retardera des plans. Il assure : «A n'importe quel moment, on peut changer, ajouter ou carrément annuler une loi. Moi-même, je me suis retrouvé obligé de refaire mon année, à cause d'une réforme qui a été annulée. Tout ça pour rien. Mon statut est le même. Biochimiste.» Et de poursuivre : «Plus encore, la signature de la nouvelle loi sur la santé ne va qu'empirer les choses. Elle va nous interdire d'ouvrir des laboratoires polyvalents. Le pire nous attend, on va galérer pour réussir les concours, s'autoformer et passer des examens très difficiles avec tout le stress qui va avec.»